Le corps des pompiers professionnels de Liège a 200 ans.

Les incendies ont toujours été la hantise de l’humanité. Pour les circonscrire, les moyens ont différé selon les époques. Longtemps, à Liège, l’usage le plus courant a été de chercher à étouffer le feu. D’où le nom étouffeur de flammes donné à ceux qui combattent le feu. Les étouffeurs de flammes se recrutent essentiellement parmi les maçons, les ardoisiers et les charpentiers.

Vers le milieu du XVIème siècle, une ordonnance prescrit aux cinq quartiers de Liège – les vinâves – de s’équiper d’une trentaine de seaux en cuir bouilli, de crocs de fer, d’échelles et autres instruments. Le tout estampillé du sceau du perron liégeois et marqué de l’emblème du vinâve. En cas d’incendie dans un vinâve, il est interdit aux habitants des autres vinâves de se rendre là où il y a le feu.

Pour prévenir d’un incendie en ville, un service de guet est organisé du haut de la tour de la cathédrale Notre-Dame et Saint-Lambert. Pendant que vous dormez, Messieurs, en pleine joie, / Je veille sur ma tour. Toute la nuit j’emploie / À prendre garde au feu, et je vois partout / Si le feu par hasard ne se prend pas chez vous.

En 1822, au temps où Liège se trouve être une ville du Royaume des Belgiques, elle se dote d’un corps de pompiers professionnels. Trente- cinq hommes pour une population avoisinant les cinquante mille habitants. Ils ont fière allure dans leurs uniformes de gala : casque de cuivre, habit bleu foncé à col rouge, pantalon large en drap bleu et guêtres de drap noir. 

Les 25 ans du « Dernier Carré » de la RTBF-Liège.

Mis en place par la RTBF en 1993, le plan Horizon 97 prévoit le départ anticipé à la retraite du personnel statutaire. Le départ n’est pas obligatoire mais simplement très recommandé via notamment une prime substantielle. De nombreux membres choisissent la prépension. Visant un objectif financier du service public, le plan Horizon 97 a été l’ancêtre du plan Magellan dont la finalité est identique.

En 1995, à l’initiative de Luc Dardenne, directeur des services techniques du Centre de production RTBF-Liège prépensionné se crée un club de 23 membres dont cinq sont encore en vie. Janine Allard, Pierre André, André Beaumariage, Roger Berlemont, Jean Brumioul, Jenny Bodart, Marcel Counson, Louis Cox, Luc Dardenne, Jo Derniest, Léon Dessart, Robert Dewez, Willy Dulier, Jean-Marie Fraikin,   Francette Gerondal, Yvon Godefroid, Jacques Gouverneur, Henri Greindl, Joseph Gustin, Freddy Helaers, Stefan Kurevic, André Lallemand, Marcelle Imhauser. 

Le choix du nom de l’association ne fut pas long. Chacune et chacun se rallie à la suggestion de la dénomination : Dernier Carré. Souvenir de ces carrés de ces Grognards devenus Vieux de la Vieille gardant à l’esprit l’idée de ne jamais se rendre. Le but premier du Dernier Carré tel que le définit Luc Dardenne est de garder le contact entre anciens collègues du Centre RTBF-Liège, de conserver l’air de famille qui y règne. Pour ce, une réunion mensuelle est prévue. La première partie est consacrée à un échange d’informations, la seconde à la réception d’une personnalité exposant une matière dans laquelle elle est experte. Les sujets sont très variés. Un repas en commun termine la réunion mensuelle.

Les activités du Dernier Carré ne se limitent pas aux réunions mensuelles. Il y des visites culturelles du genre Viva Roma, Andy Warhol au musée de la Boverie. Il y a les fabuleuses expositions sur Toutankhamon et Napoléon. Il y a des excusions champêtres dans les bois de Terlamen ou sur les hauteurs d’Aywaille. Il y a les visites touristiques de villes à Verviers, à Diest et autres cités. Il y a la découverte de la centrale hydroélectrique de Coo ou la visite virtuelle des grottes de Lascaux au site préhistorique de Ramioul. Il y a les voyages annuels en direction de la Franconie, de la Corse, de l’Angleterre, de la Bavière, du Val de Loire.

Le vingt-cinquième anniversaire du Dernier Carré a coïncidé avec la pandémie d’où le report à cette année dans les charmes de Thimister. Gisèle Deglin, présidente du Dernier Carré, de dire : Au fil des ans et des changements de mode vie, le Dernier Carré est devenu une association dont les services se révèlent être indispensables pour beaucoup d’entre nous tant son action répond à de véritables besoins. La longévité du Dernier Carré montre aussi que les différents comités ont porté, au travers des années, des projets en phase avec les souhaits, les capacités, l’âge des membres et se sont ouverts au débat.  Cette capacité d’adaptation n’a rien d’évident et mérite d’être saluée.  Car pour maintenir l’association en vie, il ne faut pas seulement avoir des têtes pleines, mais surtout, il faut des cœurs ardents, des oreilles prêtes à écouter, des mains tendues pour aider et offrir de son temps, … beaucoup de temps. 

Le peintre Waxweiler décore une chapelle à Nandrin.

En France, au lendemain de la seconde guerre, de nombreux artistes ont décoré des chapelles notamment sur la Riviera. Que ce soit Pablo Picasso à Vallauris, Henri Matisse à Saint-Paul de Vence ou encore Jean Cocteau à Villefranche-sur-mer, la première des quatre que le poète décora et dont l’une, celle de Saint-Blaise des Simples à Milly-la-Forêt abrite son tombeau.

Par contre, en Wallonie, sauf erreur ou omission, excepté la chapelle Notre-Dame de Bon Secours sur le domaine du baron Van der Linden à Nodebais, dans le Brabant wallon décoré de céramiques polychromes de Miqui, nom d’artiste du baron, Philippe Waxweiler innove en illustrant une chapelle située sur la voie publique à Nandrin. Dédiée elle aussi à Notre-Dame de Bon Secours, c’est une chapelle minuscule – deux prie-Dieu pour tout mobilier devant un autel sobre – connue dans cette commune comme chapelle du Tombeux et Croix.

 Le jour de l’inauguration de la chapelle avec son nouveau décor – un plafond avec un ciel garni de peintures d’oiseaux et de vitraux – José Brouwers, fondateur de la Compagnie royale Théâtre Arlequin, a rappelé la rencontre par hasard de Philippe Waxweiler et cette chapelle livrée à tous vents. Elle a été érigée en 1852 en style néo-gothique et en pierre du pays, pour honorer un vœu, ainsi que le fronton le proclame en latin. L’endroit respire une sérénité combien recherchée dans un monde de bruits et de fureurs. L’artiste se trouve heureux d’y passer un moment de solitude. Il y revient, attiré par un besoin de réflexion qui ne peut s’épanouir que dans un cadre de paix. L’art mène l’artiste à s’interroger.

 Séduit par la proposition de décorer la chapelle du Tombeux et Croix, Michel Lemmens, Bourgmestre socialiste doit au préalable procéder à rénovation et sécurisation de l’édifice. Grâce à tout un travail réalisé par la fabrique d’église, le personnel communal et pour finir, l’artiste, la chapelle est fin prête. Elle peut désormais trouver place dans les monuments et sites remarquables de la commune.

Devant la chapelle, la note religieuse est apportée par la comédienne Delphine Dessambre, directrice de l’Arlequin récitant La Prière du catholique Francis Jammes : Par les gosses battus par l’ivrogne qui rentre, / par l’âne qui reçoit des coups de pied au ventre /et par l’humiliation de l’innocent châtié, / par la vierge qu’on déshabillée, / par le fils dont la mère a été insultée : / Je vous salue, Marie.  

La réception s’est terminée à la Maison communale par un concert du saxophoniste Rhonny Ventat et du pianiste Georges Hermans. Mais l’esprit de la chapelle reste présent par cette confidence de Philippe Waxweiler : j’aime dire que je communique avec Dieu sans intermédiaire dans cette chapelle.

Théâtre Arlequin : Guy de Maupassant, un régal !

La marquise de Rennedou et la baronne de Grangerie sont les héroïnes de trois nouvelles sur les trois cents que Guy de Maupassant a écrites pour le journal Gil Blas dont la devise est Amuser les gens qui passent, leur plaire aujourd’hui et recommencer le lendemain. Le lectorat ? Selon Emile Zola, autre publiciste du quotidien, il se compose surtout de dames qui ne détestent pas les aimables polissonneries. La Compagnie royale Le Théâtre Arlequin en a fait un spectacle Jeu de Dames. Le spectacle n’est jamais monotone tant il se déroule dans un dix-neuvième siècle ou la liberté et l’égalité ne sont qu’un leurre pour les femmes qui ont épousé un homme riche certes mais jaloux, possessif, tyrannique.

José Brouwers a adapté les trois nouvelles de Maupassant, La confidenceSauvée et Le signe précédées d’un prologue mettant en scène l’auteur interprété par Quentin Wasteels. Né en 1850, Guy de Maupassant est exclu du petit séminaire d’Yvetot pour quelques vers licencieux bien innocents par rapport à La feuille de rose farce de rapin dont il fut l’auteur et l’acteur. Parmi ses amis, Flaubert et Eugène Poubelle qui permit aux femmes d’accéder à l’art de guérir, soutint la restauration du divorce en 1884, inventa le tri sélectif … et les poubelles. Adversaire résolu de la Tour des 300 mètres (première appellation de la Tour Eiffel), il en fréquente régulièrement le restaurant. C’est le seul endroit où je ne la voit pas

La confidence : la marquise de Rennedou (Delphine Dessambre) narre à la baronne de la Grangerie (Maïté Wolfs) la manière dont elle s’est vengé de Léon, son mari. Pense à sa tête ! A son gros nez ! … Mais surtout, ne le dis pas… Ne le dis jamais ! Un dialogue entre deux amies spirituelles aux éclats de rire communicatifs.

Sauvée : la nouvelle de Guy de Maupassant date du 22 décembre 1885. Elle traite du divorce rétabli l’année précédente – le 27 juillet – après avoir été aboli le 8 mai 1816 comme poisson révolutionnaire car institué par la Constitution du 3 septembre 1791. La marquise de Rennedou qui a trompé une seule fois son mari Léon est enfin sauvée par le divorce détenant les preuves de l’adultère de celui-ci. 

Un mari devenu odieux, tout à fait odieux, brutal, grossier, despote, ignoble enfin. Je me suis dit : «Ça ne peut pas durer, il me faut le divorce » comme elle le narre à la baronne de la Grangerie tout en lui expliquant avoir engagé une nouvelle femme d’ouvrage en charge de séduire Léon.

Le signe : dans cette nouvelle, la baronne de la Grangerie narre à la marquise de Rennedou les ennuis encourus suite à imiter en mieux le signe d’une voisine légère et volage. Heureusement, la marquise a trouvé la solution pour sortir son amie de ce mauvais pas.

Dans un décor de David Vera construit par Charles Grisard, le spectacle vaut d’être vu tant il est gai, léger et ludique. Marie-Josée Delecour en assure la chorégraphie et la musique est de Luc Baiwir. Jeu de dame est la troisième pièce présentée au programme de l’Arlequin en cette saison 21-22 après L’illusion conjugale d’Eric Assous et Comme s’il en pleuvait de Sébastien Thiéry.

La Compagnie royale Le Théâtre Arlequin fait davantage que mettre à l’affiche des pièces d’auteurs. Ainsi, cette saison, sous le nom de Bords de Scènes à l’issue d’une représentation une rencontre-débat en présence du metteur en scène et des comédiens ont eu lieu. De même, des lectures-spectacles de rentrée ont été organisés tout comme des rencontres d’artistes qui partagent leurs parcours lors d’entretiens conviviaux. Armel Job évoqua du plumier à la plume, Patrick Dheur le piano dans l’âme, José Brouwers 70 ans de scène et Philippe Waxweiler 20 ans de scénographie.  

Autre innovation, le lancement des Amis de l’Arlequin qui témoignent du soutien à l’art vivant et de celui au petit théâtre liégeois préféré.

Du 10 au 21 août à Spa, un Royal Festival revigoré par une nette prééminence féminine.

Avec cinquante représentations de trente spectacles en une douzaine de jours dans huit lieux et avec bien des activités annexes, il est évident qu’après les difficultés surmontées ces deux dernières années (dont je n’ai d’ailleurs pas vécu l’ultime pour raisons d’inondation de ma maison), le Royal Festival de Spa reprend, sous l’égide d’Axel De Booseré et d’Adrien Undorf, avec pour la communication le concours de Justine Donnay, du «poil de la bête ».

Ainsi revigoré, il constitue la principale animation culturelle estivale de la région spadoise et bien au-delà. Beaucoup de fantaisie au programme qui mélange théâtre, cirque, musique, magie et humour. Notre préférence aurait été que le théâtre reste seul à bord comme ce fut le cas dans le passé. Je reste nostalgique de la représentation des œuvres majeures des grands auteurs qui constituent la richesse de notre patrimoine, de Molière à Shakespeare comme le sont Mozart ou cette année César Franck pour notre Philharmonique, Verdi ou Wagner pour notre Opéra. Les rencontres des jeunes en Avignon à l’époque de ma lointaine jeunesse nous apprenaient que le théâtre c’était des comédiens au service de grands textes. Quelle splendeur !

Mais revenons à Spa où auront lieu deux créations dont une coréenne et aussi des évènements qui n’avaient pas pu être déployés au temps de la pandémie. D’une part, la représentation d’un cirque aérien et chanté intitulé «Les Princesses» par la compagnie Cheptel Aleïkoum et un spectacle musical appelé «L’Amour vainqueur», production du Festival… d’Avignon.

Mais ce qui m’a le plus frappé dans la brochure du Festival spadois 2022, ce sont deux sous-titres suivis de deux paragraphes de quatre lignes chacun

 De grandes actrices dans des performances exceptionnelles

  • Jacqueline Bir dans ce qu’elle envisage comme étant sa dernière aventure scénique A German Life
  • Edwige Bailly dans Tout ça pour l’Amour
  • Gwendoline Gauthier dans Iphigénie à Splott 
  • France Bastoen dans Girls and Boys                                                               

Sur le plateau mais aussi à la conception

  • Le retour de la comédienne et metteuse en scène Geneviève Damas à Spa avec Quand tu es revenu
  • L’artiste Lucie Yerlès et son Solo entre cirque et théâtre
  • L’autrice et metteuse en scène Aurore Fattier avec Qui a peur
  • La créatrice Maggy Jacot pour Vous êtes unique

Vous l’aurez remarqué : huit sur huit, la prééminence féminine est exclusive. À ma connaissance, c’est sans précédent et en vue de l’appréciations l’a priori ne sera pas défavorable.

Ceci dit la multitude des initiatives lors de ce festival ne nous permettrait assurément pas d’être exhaustif et plutôt que d’énumérer une partie de ce qui serait susceptible de vous intéresser mieux vaut vous inviter à faire votre choix vous-même en consultant le site www.royalfestival.be. Il est d’une grande richesse et vous permettra de réserver à temps ce qui vous attirera en priorité. Pour certains spectacles, le risque de les voir bientôt complets est en effet présent.

Bon Royal Festival                                            

Jean Marie ROBERTI

Dernier détour sur le second tour.

Sur les onze élections au suffrage universel qui se déroulées depuis 1965, quel est le pourcentage des votes exprimés obtenu par chaque président ? En d’autres termes, en question plus triviale, quel président a été le plus mal élu de la Ve République ?

Le dimanche 5 mai 2002, face à Jean-Marie LE PEN, Jacques CHIRAC obtient 82%21 des 41.192.272 votes exprimés.  

Le dimanche 7 mai 2017, face à Marine LE PEN, Emmanuel MACRON obtient 66%10 des 47.568. 693 votes exprimés.

Le dimanche 24 avril 2022, face à Marine LE PEN, Emmanuel MACRON obtient 58%54 des 48. 752. 500 votes exprimés.

Le dimanche 15 juin 1969, face à Alain POHER, Georges POMPIDOU obtient 58%21 des 19.007. 489 votes exprimés.

Le dimanche 19 décembre 1965, face à François MITTERRAND, Charles DE GAULLE obtient 55%20 des 23.703.424 votes exprimés.

Le dimanche 8 mai 1988, face à Jacques CHIRAC, François MITTERRAND obtient 54%02 des 30. 923.249 votes exprimés.

Le dimanche 6 mai 2007, face à Ségolène ROYAL, Nicolas SARKOZY obtient 53%06 des 35.773. 578 votes exprimés.

Le dimanche 7 mai 1995, face à Lionel JOSPIN, Jacques CHIRAC obtient 52%60 des 29.943. 671votes exprimés.

Le dimanche 10 mai 1981, face à Valéry GISCARD d’ESTAING, François MITTERRAND obtient 51%76 des 30.350.568 votes exprimés.

Le dimanche 6 mai 2012, face à Nicolas SARKOZY, François HOLLANDE obtient 51%64 des 34. 861.353 votes exprimés.

Le dimanche 19 mai 1974, face à François MITTERRAND, Valéry GISCARD d’ESTAING obtient 50%81 des 26.367.807 votes exprimés.

Chaque second tour a fourni un élu et un battu. Jamais un « mal élu » même si le combat fut plus ardu. À ce battu s’ajoutent les vaincus du premier tour. La démocratie occidentale contemporaine leur épargne l’opprobre romaine du « Vae victis » !

Le dimanche 10 avril 2022, fort de son troisième score obtenu à l’issue du premier tour – 21%95 des votes exprimés soit 7.712.520 en net progrès sur son score de 2012, 11%10 soit 3.984.822 -, Jean-Luc MELENCHON appelle son électorat à ne point donner une seule voix à Marine LE PEN au second tour. Pour s’assurer d’être bien entendu et bien compris, il répète à quatre reprises : « Pas une seule voix à Marine LE PEN ». Implicitement, au contraire de 2017, il donne à son électorat, le choix de rallier le Front républicain ou s’abstenir. Le soir du 24 avril, les études d’opinion montrent qu’il a été entendu à 83% de son électorat. Seul 17% de son électorat a viré de bord en passant, en deux semaines, d’un vote à gauche à un vote d’extrême droite ! 17% de 7.712.520 cela représente 1.311.128 votes en faveur de Marine LE PEN qui en a recueilli 13.297.760. Le vote des mélenchonistes en rupture avec les souhaits de Jean-Luc MELENCHON constitue 9%85 des suffrages de Marine LE PEN !

« Vie en couleurs » : Philippe Waxweiler au CTLM à Verviers.

C’est dans le splendide bâtiment abritant le Centre touristique de la laine et de la mode – CTLM – rue de la Chapelle dans le quartier populaire de Hodimont que le peintre Philippe Waxweiler a choisi comme lieu de sa cinquième exposition à Verviers. La première remonte à 1976 à la galerie Primaver rue Spintay.

Dans cette expo intitulée « Vie en couleurs », Philippe Waxweiler reste fidèle à son credo artistique « le refus de la banalité ». Tout ce qui est ordinaire et banal ne m’intéresse pas a-t-il coutume de dire. Les titres de ses tableaux l’atteste. Exemples : « Nu de Modigliani sous l’œil voyeur de Picasso », « Le critérium imaginaire Knokke-Westende » ou encore « Marcel Proust à l’ombre d’une jeune fille en fleurs » ou « Le grand Vaisseau de Hokusai et le petit bateau de Waxweiler ». L’humour est pour lui une manière de vivre, il aime provoquer et faire la preuve de la richesse poétique de son imagination.     Autre titre « J’aime la laine ». Une toile sur laquelle figure deux flocons de ce qui a fait de Verviers une capitale mondiale durant près de deux siècles. 

L’humour n’empêche pas d’être méticuleux. Ainsi tous les encadrements sont choisis avec une précaution certaine. « Ce sont des écrins dignes des joyaux qu’ils mettent en valeur » selon Michèle Corin la directrice du CTLM. « Le travail de l’artiste avec « son » encadreur crée une plus-value, à la manière des duos peintre-graveur de la renaissance, où l’artisan ayant parfaitement assimilé la pensée du maître complète l’œuvre de ce dernier. »

Pour résumer « Vie en couleurs » – une expo se terminant le dimanche 8 mai – laissons s’exprimer le biographe de Philippe Waxweiler, José Brouwers : « A travers tout, Waxweiler est resté fidèle à sa jeunesse, à son humeur, à ses couleurs, à ses bleus qui sont les bleus de l’âme, à ses rouges qui sont la vie du cœur. Il s’est accompli dans des portraits sans négliger jamais cette heureuse passion de recycler les déchets les plus insolites. Avec son humour, son impertinence même, avec une facture qui n’appartient qu’à lui, Philippe n’a nul besoin de signer ses tableaux. On reconnaît sa patte, cette façon naturelle qui rend son pinceau léger même quand le sujet impose la réflexion. »

Pour qui désire mieux connaître le peintre, signalons que José Brouwers a publié en 2021 « Philippe Waxweiler : « Une vie en couleurs joyeusement contée ». Ce livre fourmille d’anecdotes croustillantes et amusantes. En outre, c’est richement illustré.

À Roubaix : LA PISCINE, Musée d’Art et d’Industrie.

À Roubaix, proclamée ville sainte du socialisme par Jules Guesde, homme du Sud devenu député de cette ville du Nord, les partisans de la Section française de l’Internationale ouvrière reprennent le pouvoir en 1912. Le comptable Jean-Baptiste Lebas est maire de Roubaix. Survient la Grande Guerre. Les Allemands occupent la ville, réclament la liste des jeunes pour les envoyer travailler en Allemagne, Jean-Baptiste Lebas la leur refusent. Il est interné à la forteresse de Radstadt.

Au lendemain de la guerre, la municipalité entreprend de reconstruire la ville et de lancer quelques grands projets dont l’édifice des bains municipaux. Plus de treize millions de francs sont consacrés à l’édification de ce temple moderne du corps. À une époque où la salle de bain est un luxe réservé à quelques privilégiés, les besoins d’hygiène sont grands tout comme les besoins d’apprendre aux enfants à nager. Le carton d’invitation à l’inauguration des bains municipaux de Roubaix précise avec Piscine d’eau chaude.   

Jean-Baptiste Lebas confie la réalisation des bains municipaux à un enfant du pays, l’architecte Albert Baert qui, entre autres ouvrages, a déjà édifié les piscines de Lille et Dunkerque. Outre qu’il soit en déclivité, le vaste terrain acquis par la ville n’a pignon sur rue que la largeur d’une maison. Par cet étroit chemin, durant plus de cinquante ans Roubaix accède à ses bains municipaux qui ont la forme d’une abbaye cistercienne refermée autour d’un jardin claustral.

Inaugurée le 2octobre 1932, considérée à l’époque la plus belle piscine d’Europe a été fermée le 8 novembre 1985. Un choc pour Roubaix, chacun était passé par ce spectaculaire bassin. Chacun avait été marqué par les images inoubliables du Lion crachant l’eau, de la mosaïque à décor de vagues d’or et de lapis-lazuli, des cabines répétées à l’infini, de la lumière surnaturelle des grands vitraux solaires et parfois aussi par les méthodes un peu martiales de l’apprentissage de la natation …

Près d’une dizaine d’années de réflexion ont été nécessaires pour trouver une nouvelle affectation à l’ancienne piscine, y construire un musée solidaire. Pour avoir réalisé la transformation de la Gare d’Orsay en Musée, l’architecte Jean-Paul Philippon est chargé de mener le projet à son terme. En hommage au parlementaire des Hauts-de-France, maire de Roubaix, le Musée porte officiellement le nom de Musée d’Art et d’Industrie André Diligent mais est communément appelé La Piscine.

Si la piscine de 1932 a été conçue avec des perspectives sociales, La Piscine, inaugurée le 21 octobre 2001,en a également. Elle vise notamment à dédramatiser l’image du musée et faciliter son accès. Le public jeune est roi à La Piscine dont les initiations sont comme des apprentissages du bonheur de regarder et de créer. Autre initiative de La Piscine menée en collaboration avec les services sociaux de la ville de Roubaix, y inviter des petits groupes de Roubaisiens et leur remettre une carte donnant accès annuellement aux expositions permanentes. Ainsi ces Roubaisiens, souvent exclus de toute pratique culturelle ou artistiques, sont dès lors réintégrés dans la communauté et restitués dans leurs droits à la culture.

 La Piscine Musée d’Art est richede peintures et de sculptures du XIXième et du XXième siècle. La Petite Châtelaine de Camille Claudel est le chef-d’œuvre de ses collections. Il en est d’autres, tels Auguste Rodin, Eugène Dodeigne, Armand Bloch, François Pompon, Henri Bouchard ou encore Rembrandt Bugatti, le frère du constructeur automobile. Côté peintures, citons Dominique Ingres, Pierre Bonnard, Léonard Foujita, Raoul Dufy, Kees Van Dongen, Jean-Joseph Weerts, etc, etc.

La Piscine Musée d’Industrie avec le buste de Joseph-Marie Jacquard, l’inventeur lyonnais de la première machine à tisser. Une œuvre de Charles-François Iguel datant de 1865 prend place dans un des ancêtres de La Piscine, le Musée du textile de Roubaix inauguré en 1835. Depuis cette époque, des milliers d’échantillons de textiles élaborés par des anonymes ou conçus par de célèbres artistes sont conservés. Auguste Mimerel, maire de Roubaix et propriétaire de filatures de coton a créé le Musée du textile car la vue de bons modèles et des œuvres d’art est un moyen efficace de nourrir le goût de l’industrieuse et intelligente population !

Charly Dodet et la migration clandestine

Nouveau roman de Charly Dodet. Comme à l’habitude, le cadre de ce nouveau roman Un homme dans la grange (1) est un village du Condroz, une région que Charly Dodet connaît parfaitement pour l’avoir arpenté en qualité de journaliste professionnel durant des années. Dans ce petit village il fait très calme la nuit. Passé minuit tout le monde dort paisiblement et l’on entend tout au plus une vache beugler dans une étable.

Une des héroïnes est Adèle une femme solide ! Pas le genre à se laisser dicter son comportement. Depuis qu’elle est seule, elle a pris sa liberté en main, ne laisse à personne d’autre la faculté de décider pour elle. Du haut de ses 85 ans – et à vrai dire, elle n’est pas très haute ! -, elle vit seule dans la vieille ferme familiale, un peu à l’écart du village. (…) Bien en chair, de grands yeux bleus, les cheveux soigneusement teints et coiffés, elle n’est ni laide ni très jolie, mais elle prend grand soin d’elle. Et son visage envoie à la ronde des ondes positives, qui lui ouvre bien des portes… Elle entretient son jardin avec amour – c’est sa passion – et fait pousser la plupart des légumes dont elle a besoin. Elle coupe du bois comme un vrai bûcheron et elle essaie de dépendre le moins possible des corps de métier pour ses petites réparations.

Une nuit, cette femme solide croit entendre un bruit à moins que ce ne soit un rêve. Quelques nuits plus tard, nouveau bruit en provenance de la grange. Pour tirer les choses au clair, elle décide de monter la garde la nuit suivante, munie du plus gros de ses couteaux de cuisine. Soudain un bruit, Adèle allume sa torche, voit un homme, le menace de son couteau en tremblant. Ha ! Ha ! Ha ! C’est comme cela que vous voulez vraiment me faire peur ? Regardez-vous, vous tremblez ! Vous avez beaucoup plus peur, avouez. Mais ne vous en faites pas, je ne vais pas vous manger ! Je descends seulement me soulager dehors. Vous ne m’avez pas répondu, qui êtes-vous ? Depuis quand vous êtes-vous installé chez moi sans aucune permission ? Vous dire qui je suis ne vous apprendrait rien. Vous ne me connaissez pas. Rassurez-vous, je n’ai pas de mauvaises intentions. Je demande seulement à me reposer quelques nuits à l’abri ici, puis je repartirai. J’ai fait un si long voyage ! 

L’homme qui est devant Adèle est grand, svelte, l’allure sportive et le regard avenant. Adèle réfléchit, elle décide finalement de lui faire confiance et de céder à sa demande. Elle met à sa disposition une petite grange en bois au bout du verger. L’homme n’est guère prolixe. Pour lui avoir demandé, Adèle sait qu’il vient de Tunisie, qu’il s’appelle Ahmed – c’est un prénom assez courant dans mon pays –, qu’il était professeur de français. Pour en savoir davantage, Adèle doit patienter. L’homme n’a pas envie de parler de tout cela. C’est son fardeau à lui, le prix qu’il a payé pour changer sa vie. Il n’est pas encore prêt à se retourner sur son passé. Cela lui est sans doute trop douloureux.

Charly Dodet a choisi de parler de la migration clandestine. Celle de Ahmed qui, en solitaire,  a fait choix de partir des environs de Bizerte pour atteindre la France. Généralement, la voie de la migration clandestine la plus suivie mène à l’Italie en provenance de Gabès, Zarzis ou Sfax. C’est une source de drames. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, plus de 1200 personnes ont trouvé la mort en Méditerranée en 2020.

Ce qui a déterminé Ahmed à prendre le chemin de la migration clandestine c’est l’assassinat de son grand-père au moment où la Tunisie acquiert son indépendance puis par après l’élimination de sa famille. La chance d’Ahmed est d’avoir rencontré Adèle qui en lui faisant confiance lui a permis de se reconstruire. Charly Dodet narre, d’une part, l’intégration harmonieuse d’Ahmed dans ce village condruzien et, d’autre part, les difficultés rencontrées par Ahmed pour obtenir son titre de séjour auprès de l’Office des Étrangers et du Commissariat Général aux Réfugiés et Apatrides. Un homme dans la grange, un roman où se côtoient chaleur de l’humain et froideur de l’administration.

  • Un homme dans la grange – Charly Dodet – Éditions Baudelaire Lyon – 148 pages – 14 € 50

P-H GENDEBIEN « Mémoires »

   On ne parle pas de soi, cela n’intéresse personne … ! Cette remarque adressée lors des diners de famille aux bambins s’avisant de multiplier les je, a failli nous priver des Mémoires de Paul-Henry Gendebien. Une sentence enfouie dans mon subconscient dont sont venues à bout d’amicales pressions lui permettant de se risquer à l’exercice des mémoires.

   Dans l’avant-propos, Paul-Henry Gendebien écrit quelques lignes ne peuvent suffire à exprimer tout ce que je dois à une mère admirable : à travers les rigueurs de la guerre, Guillemette Gendebien, née Carton de Wiart, fit tout ce qu’elle pouvait pour protéger et choyer ses quatre enfants tandis que Marc, son mari et notre père, s’était courageusement évadé vers l’Angleterre pour combattre l’ennemi aux côtés des Alliés. À partir de l’été1944 (…) c’est avec une douce ténacité qu’elle me donna la première instruction scolaire. Devenue veuve de guerre à trente-et-un an, elle ne relâchera pas sa détermination à me transmettre l’appétit de la lecture et à m’initier aux arcanes du calcul élémentaire. En 1947, de l’Ardenne la famille passe à l’Entre-Sambre-et-Meuseet Paul-Henry entre en troisième primaire à l’école communale de Marbaix-la-Tour. L’instituteur Albert Thomas, s’inspirant des méthodes de Célestin Freinet, lui inculque les quatre opérations, la règle de trois et l’dizaine de lignes tout au plus, décrivant un incident, une anecdote locale, un animal observé, une chose vue. Le goût de l’écriture se développe encore au pensionnat, en gréco-latines avec l’immersion dans les richesses de la langue et ses subtilités grammaticales et orthographiques. De quoi être bien armés pour l’Univ et la vie.

   Une dizaine de chapitre dont huit consacrés aux avatars politiques et diplomatiques de Paul-Henry Gendebien qui a intitulé, ironiquement, son ouvrage Mon séjour dans la fosse aux lions de la politique belge (1). Élu le 7 novembre 1971 député du Rassemblement Wallon dans l’arrondissement de Thuin, c’est dans cette ville qu’il a entamé en 1970 sa carrière politique à la tête de Rénovation Thudinienne. Son adhésion au parti régionaliste a dit-il choqué voire irrité une partie de mon entourage familial. « Il trahit nos pères, il s’en prend à notre chère Belgique ! » Tous ne partageaient pas cette analyse. Je ne cherchais pas l’approbation ni la confrontation. Tout au plus, je tendais d’expliquer qu’une réforme de nos institutions, souhaitée au Nord, au Sud et au Centre, contribuerait à stabiliser le pays.

   Vécus de l’intérieur, tous les événements politiques marquants de ces  décennies sont présentés.

Ainsi, le 3 mars 1977 jour où le Premier ministre Tindemans se prenant pour le Vice-Roi révoque deux ministres RW Robert Moreau et Pierre Bertrand en violation de la Constitution stipulant le Roi nomme et révoque ses ministres. Ce que Baudouin a fait le lendemain. Ce coup de force politico-juridique est avalisé par le Palais Royal où l’entourage du chef de l’État soutenait encore Tindemans avec ferveur.

Ainsi, le 27 novembre 1985, au Conseil régional wallon – le nom à l’époque du Parlement wallon – le débat lié à l’admission du sénateur Volksunie Van Overstraeten élu de Nivelles par apparentement. Socialistes et écolos y sont favorables. Ils seraient de la sorte à égalité avec PSC, libéraux et l’Alliance Démocratique Wallonne formé par Gendebien. Si Jean-Maurice Dehousse a la sagesse de ne rien dire, Ylieff et d’autres se déchainent. On a même entendu Jean-Marie Happart, frère de José, prendre la défense du flamingant … Flamingant qui a porté l’uniforme de la Wehrmacht allemande pendant la guerre et il a combattu sur le front de l’Est.

Ainsi, début 1981, session du Parlement européen à Luxembourg. Un soir, au resto, Gendebien voit à sa table voisine quatre députés français, deux chiraquiens, deux mitterrandistes. Incidemment, il est témoin des prémisses d’une entente entre eux. Une entente pour un objectif circonstanciel mais essentiel à leurs yeux. Battre Giscard d’Estaing en reportant au second tour des voix chiraquiennes sur Mitterrand. Complot réussi les deux cercles « vertueux » de la gauche et de la droite s’étaient mués en un triangle vicieux !

   La vie d’un homme politique est faite de rencontres d’inconnus et de personnalités. Gendebien en évoque près d’un demi-millier dont trois Liégeois, François Perin, Jean Gol et André Cools.

À propos de François Perin, il écrit : Visionnaire ardent, analyste puissant, constitutionnaliste imaginatif, il fut l’un des orateurs parlementaires les plus écoutés à la Chambre. Les journalistes étaient friands de ses flèches percutantes. Ses dons de pédagogues faisaient merveilles dans les meetings et à la télévision. Ses talents de tribun s’amplifiaient encore parfois par sa voix tantôt chaude et vibrante, tantôt cassante et acérée. Dans certains traits de son visage, on pouvait déceler une ressemblance avec le masque de Voltaire qu’en fit le sculpteur Houdon. Il n’était pas insensible aux compliments que lui adressaient   régulièrement Jean Gol et Philippe Monfils. (…) Il était un tissu de contradictions, qui en faisaient une personnalité exceptionnelle. Quand il était en forme, sa vivacité et créativité prospective lui prodiguaient des adhésions inconditionnelles. Cependant, malgré ses analyses politiques souvent lumineuses, il était tout sauf un homme de pouvoir.

À propos de Jean Gol, il écrit : début mai, Perin avait « nommé » à l’avance deux jeunes secrétaires d’État, Gol et votre serviteur. Puis il se ravise, au lieu de Gendebien, ce sera Étienne Knoops et il envisage de proposer au lieu de Gol, le journaliste Henri Mordant, auteur de 1962 à 1969 d’une série télévisuelle consacrée àla Wallonie. Nouveau et sensationnel rebondissement : sa dévotion pour Perin n’empêche pas Jean Gol de tout faire pour rétablir la situation à son avantage, grâce à ses qualités tactiques et à la puissance de son ambition. Ne doutant de rien, il téléphone au Palais, obtient un rendez-vous immédiat. Sautant dans un taxi, il se retrouve devant le roi Baudouin, qui appréciait beaucoup le député liégeois depuis qu’il avait assisté à l’une de ses conférences à l’École Militaire. Sans détour, Jean Gol explique que Mordant ne convient absolument pas pour la fonction de secrétaire d’État à l’économie wallonne, qu’il n’a aucun profil politique, et que lui-même est disponible ! À trente-deux ans, il avait tutoyé le destin avec témérité. Il l’avait emporté, faisant preuve d’une audace qui n’avait d’égale que sa détermination. (…) C’est Jean Gol qui s’était révélé un homme de pouvoir au-dessus du commun, habile à s’orienter dans le sinueux labyrinthe de la politique.

À propos d’André Cools, il écrit : sa nature profonde, au-delà de la carapace, était celle d’un sensible, d’un émotif, à tout le moins lorsque le propos prenait une tournure personnelle et humaine. Je l’avais ressenti lorsque nous évoquâmes le sort de nos pères respectifs, tous deux disparus du fait de l’ennemi pendant la Seconde Guerre mondiale. Il me parla du sien, Marcel Cools, syndicaliste aux usines sidérurgiques Phenix Works de Flémalle, résistant, dénoncé et déporté en 1942 dans le camp de concentration de Mauthausen où il fut martyrisé dans des conditions tragiques. André Cools en portait une cicatrice cachée mais toujours présente. Orphelin à quinze ans, il s’était construit par lui-même avec l’aide des associations socialistes. Dans les années 1960, il fut l’un des parlementaires les plus fédéralistes dans un parti qui avait alors refermé la parenthèse  renardiste et qui se refusait de choisir une ligne claire. Sa réputation était celle d’un homme scrupuleusement loyal quant au respect des accords politiques. (…) Je n’avais pas affaire à des petits saints mais à des hommes de pouvoir qui défendaient leurs intérêts. La discussion pouvait être ardue mais une fois aboutie on était en droit de se fier aux signatures données, ce qui n’était pas vrai de tout le monde dans la classe politique.

   Ces trois hommes, Paul-Henry Gendebien à eu l’occasion de les revoir à Paris lorsque d’octobre 1988 à 1996, il est Délégué général auprès de la Francophonie internationale.

Il a revu André Cools : en ce début du mois de juillet 1991, le feu des passions politiques semblait s’être apaisé en lui, du moins en apparence : il était tout à son bonheur de montrer la capitale à son petit-fils. Quinze jours plus tard, le 18 juillet, Cools est assassiné.

Il a revu François Perin venu y donner une conférence : ma femme et moi l’avions reçu à déjeuner. Il était spirituel et bavard, aimable et courtois, et surtout apaisé.  

Il a revu Jean Gol : il ne croyait plus en l’avenir de l’État belge. Il m’exposait cela sans esprit de vindicte ni de regret résigné, avec une sérénité qui me surprit. (…) C’est alors qu’il ajouta (…) à savoir qu’il pensait que notre avenir, à nous autres Wallons et Bruxellois serait français. Dans quelles circonstances, sous quelle forme, à quelle date ? Nul ne pouvait encore le conjecturer avec précision, sinon par une hardiesse excessive et prématurée. (…) Nous évoquâmes aussi diverses formules d’association ou de réintégration dans la République, le précédent de l’Alsace-Moselle n’étant pas sans intérêt.

   Conscient qu’une Wallonie indépendante qui succéderait à une Belgique délestée de la Flandre ne survivrait pas longtemps. Outre le fait qu’elle n’est pas une nation, elle n’aurait pas les reins assez solides pour assumer sa viabilité économique et financière (…) Il me paraissait absolument nécessaire – c’était mon appréciation – de ne pas être pris de court et de préparer la population, dans la sérénité, à une solution de rechange en cas de probable sécession de la Flandre. Aussi, en 1999, Paul-Henry Gendebien vu la radicalisation du nationalisme flamand crée le Rassemblement Wallonie-France et le structure. Il cède la présidence en 2012 à Laurent Brogniet. Tandis que la Sûreté de l’État le place sur écoute téléphonique, il peut savourer en 2008, la conclusion d’une note de l’InstitutÉmile Vandervelde considérant le rattachement à la France crédible, rassurant et attrayant.

   En conclusion de son livre, Paul-Henry Gendebien considère qu’il s’est toujours efforcé de préserver son indépendance. Je ne fis que traverser la fosse aux lions de la politique belge, non sans y recevoir quelques coups généralement supportables. À vrai dire, je compris plus tard que ce huis-clos théâtral n’était guère peuplé de méchants fauves (sauf rares exceptions) mais bien plutôt de lionceaux jouant seulement à se manger les uns les autres.

  1. Mon séjour dans la fosse aux lions de la politique belge – Éditions Weyrich – 360 pages – 25 €