Comment
peut-on penser qu’un peuple qui a inventé les histoires belges, pensant ainsi
qu’il existe des gens plus cons que lui, ce qui le rassure, s’intéressera à
votre livre ? Telle a été la réponse d’un éditeur
parisien au liégeois Nisse, auteur de Ma blessure
française (1). Pourtant, Louis Nisse croyait avoir frappé à la bonne porte
puisqu’une collection de cet éditeur Paroles
singulières est vouée à des récits de
vie, représentatifs d’un pays ou d’une région. Parfait résumé de Ma blessure française qui présente Liège,
la Wallonie à la France en un propos attachant,
vif, ironique et souvent mordant, n’épargnant personne, tant les pédants, les
cuistres, les affairistes, les politicards, les faux-culs que les salopards de
l’avis de Max Chaleil, directeur des Éditions
de Paris.
Réunioniste
depuis toujours – une de ses premières élocutions, à l’âge de 16 ans, au
collège Saint-Servais a pour thème le réunionisme -, Louis Nisse estime n’avoir
aucune chance d’être publié par les maisons
d’édition belges, la plupart sont bruxelloises et, partant, belgicaines.
Dès lors, horresco referens, l’auteur – à
contrecœur – recourt à des
multinationales américaines pour publier en ligne, mais (…) aucune maison française
n’a osé prendre le risque.
Essai
engagé et polyphonique divisé en cent-quinze chapitres
dont certains ont été rédigés il y a une dizaine d’années, Ma blessure française est l’œuvre d’un érudit qui trouve reposant le commerce de gens
intelligents ! (.. .) Les imbéciles m’angoissent. Mes vains efforts
pour les amender m’épuisent, m’irritent, me donnent envie de les fustiger,
réveillent ma violence et intolérance enfouies.
Ces chapitres sont d’inégales longueurs. Une vingtaine de pages est consacrée à Liège, née du chant, chapitre à la mémoire de Jacques Stiennon, un chantre érudit de Liège et de son histoire. Liège qui durant dix-sept mois, d’août 1789 à janvier 1791, le temps de la Binamèye revolucion a été un état sans monarque. Deux ans avant toi, France. Liège qui, le 17 février 1793, vote le rattachement à toi. Pas à la France des rois, mais à celle de Valmy. Après la victoire de Fleurus, nous les Liégeois, Français d’adoption, allions de nouveau accueillir en libératrice ton armée, celle de Sambre-et-Meuse. Nous dûmes bientôt déchanter, car (…) la République se conduisait chez nous comme en terre étrangère (…) Page noire. (Lors de ta Joyeuse Entrée, France, tu feras bien de nous restituer quelques -uns de ces trésors ! Pourquoi pas La conversion de Saint-Paul de Bertholet Flémal (…), la dalle funéraire de Jean de Coronmeuse (…), quelques précieux manuscrit de l’abbaye de Saint-Laurent ?).
Né en 1944, Louis Nisse est le fils d’Yvonne, une
Béarnaise et d’Amédée, un Liégeois qui se sont rencontrés à Pau, lors de l’exode
en 1940. En chemin, le Liégeois a croisé Georges Simenon, haut-commissaire aux réfugiés belges pour la Charente-Inférieure
ayant une piètre opinion de ceux dont il
avait la charge. D’où altercation terminée à l’adresse du romancier par un
sonore Vos-èstez come li coucou. Vos-avez
pus d’bètch qui d’cou !
Sa maman, sa sœur, ses grands-pères, grand-mères,
oncles, tantes, cousins, cousines figurent dans cette autobiographie rénovée. Louis Nisse ne dissimule rien :
Henriette (…) on lui dit la cuisse
hospitalière. Par moment, c’est quasi un Dallas liégeois-palois et son
univers impitoyable. Décidément, elle
n’avait jamais pardonné à Yvonne de lui avoir volé Amédée (…) J’adressai à
Jeanne une lettre où je l’assassinais avec déférence, l’éviscérais avec douceur.
Quant à son père qui lui parla si peu, pour
l’évoquer, il faut que je recoure à d’autres qui en parlèrent. Tel ce
docteur Baillen de l’Académie Royale
Liégeoise de Billard qui note que roux
comme le chien de Saint-Roch (…) il n’en continua pas moins à appuyer parfois
un peu fort sur l’apéritif et sur le digestif et … Mme Nisse vient alors lui
rappeler gentiment et discrètement qu’il est, lui aussi, marié sous le régime
dictatorial. En dépit de cet
environnement familial, Louis Nisse estime que la carence de fraternité, le manque de contacts, même physiques, avec
des garçons de mon âge, plomba ma vie sociale. Et empoisonna ma vie amoureuse.
Soixante ans d’école qui vont d’élève à Saint-Paul à
professeur à l’École européenne de
Luxembourg. De Saint-Paul, Louis Nisse a notamment conservé des rédactions, un
bulletin où son instituteur observe
qu’il est bavard ! jouette ! et
un bon point sur lequel est marqué Naître, souffrir et mourir, voilà toute la
vie de l’homme. Puis le secondaire chez les Jésuites suivi par la
philologie romane à l’Unif de Liège. Une formation à laquelle s’ajoute l’expérience
menant tout droit à cette œuvre
littéraire, jubilatoire et poétique.
Je
suis né dans l’église désaffectée de Saint-Hubert, transformée en maison sous
l’Empire. L’appartement
des Nisse se trouvait au premier étage de cette église du XIIIème siècle
qui fut rasée en 1975. Le drame de ma
maison natale est emblématique du traitement qui fut réservé à maints quartiers
anciens de Liège. Amoureux des anciennes demeures à pans de bois, Louis
Nisse – paysan de Liège car son
quartier Saint-Hubert est un village à trois minutes du centre de la ville – a
été initié à l’architecture civile liégeoise par Joseph Delaxhe, président du Vieux-Liège.
J’ai
rempli des cahiers entiers de descriptions et d’analyses des saccages et des
pillages de notre patrimoine immobilier et mobilier (…) Qu’un tel furieux –
il se nomme Jean Lejeune – ait pu imposer
ce diktat en dit long sur nos édiles (…) grand est le désintérêt de la plupart
pour la culture. Tes citoyens mesurent mal, France, leur chance d’avoir eu
beaucoup de représentants lettrés – en dépit de récentes exceptions. Louis
Nisse a milité dans des commissions pour
l’inscription dans un plan
d’aménagement du périmètre de l’église Saint-Hubert comme zone d’intérêt historique
et archéologique. En dépit des promesses, échec. Et sur cet enjeu si fort pour moi, je perdais (…) C’était la volonté
d’un échevin de l’urbanisme et des finances, peu sensible à la protection du
patrimoine architectural et archéologique (…) Note, France, que j’évite de trop
charger ce cher Bill, car il t’aime et est rattachiste – « rattachiste de
raison », dit-il.
Comme il y a davantage dans deux têtes que dans une,
terminons cette recension de Ma blessure
française par l’opinion de Valmy – le bien nommé en l’occurrence – Féaux,
ancien ministre-président de la Communauté française de Belgique, sur cet
ouvrage : J’ai pris grand plaisir et
grand intérêt à vous lire. […] Le plaisir de la lecture, c’est aussi la qualité
de votre plume […] et la richesse de votre vocabulaire […]. Même les phrases
souvent longues rebondissent tel un ruisseau sur ses cailloux et redeviennent
fluides. Et puis les allers et retours dans le récit de votre vie sont
vivifiants.
( 1) Sur liseuse, Ma
blessure française – Louis Nisse – ISBN ISBN: 9781719860932
– 929 pages – 10€ 14
Sur liseuse Kindle, Ma blessure française – Louis Nisse – ISBN ISBN:
9781719860932 – 929 pages – 9€90
Ma blessure française – Louis Nisse – 610 pages – ISBN ISBN: 9781719860932 – livre broché – 20 € 04 – Amazon
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