La marquise de Rennedou et la baronne de Grangerie sont les héroïnes de trois nouvelles sur les trois cents que Guy de Maupassant a écrites pour le journal Gil Blas dont la devise est Amuser les gens qui passent, leur plaire aujourd’hui et recommencer le lendemain. Le lectorat ? Selon Emile Zola, autre publiciste du quotidien, il se compose surtout de dames qui ne détestent pas les aimables polissonneries. La Compagnie royale Le Théâtre Arlequin en a fait un spectacle Jeu de Dames. Le spectacle n’est jamais monotone tant il se déroule dans un dix-neuvième siècle ou la liberté et l’égalité ne sont qu’un leurre pour les femmes qui ont épousé un homme riche certes mais jaloux, possessif, tyrannique.
José Brouwers a adapté les trois nouvelles de Maupassant, La confidence, Sauvée et Le signe précédées d’un prologue mettant en scène l’auteur interprété par Quentin Wasteels. Né en 1850, Guy de Maupassant est exclu du petit séminaire d’Yvetot pour quelques vers licencieux bien innocents par rapport à La feuille de rose farce de rapin dont il fut l’auteur et l’acteur. Parmi ses amis, Flaubert et Eugène Poubelle qui permit aux femmes d’accéder à l’art de guérir, soutint la restauration du divorce en 1884, inventa le tri sélectif … et les poubelles. Adversaire résolu de la Tour des 300 mètres (première appellation de la Tour Eiffel), il en fréquente régulièrement le restaurant. C’est le seul endroit où je ne la voit pas!
La confidence : la marquise de Rennedou (Delphine Dessambre) narre à la baronne de la Grangerie (Maïté Wolfs) la manière dont elle s’est vengé de Léon, son mari. Pense à sa tête ! A son gros nez ! … Mais surtout, ne le dis pas… Ne le dis jamais ! Un dialogue entre deux amies spirituelles aux éclats de rire communicatifs.
Sauvée : la nouvelle de Guy de Maupassant date du 22 décembre 1885. Elle traite du divorce rétabli l’année précédente – le 27 juillet – après avoir été aboli le 8 mai 1816 comme poisson révolutionnaire car institué par la Constitution du 3 septembre 1791. La marquise de Rennedou qui a trompé une seule fois son mari Léon est enfin sauvée par le divorce détenant les preuves de l’adultère de celui-ci.
Un mari devenu odieux, tout à fait odieux, brutal, grossier, despote, ignoble enfin. Je me suis dit : «Ça ne peut pas durer, il me faut le divorce » comme elle le narre à la baronne de la Grangerie tout en lui expliquant avoir engagé une nouvelle femme d’ouvrage en charge de séduire Léon.
Le signe : dans cette nouvelle, la baronne de la Grangerie narre à la marquise de Rennedou les ennuis encourus suite à imiter en mieux le signe d’une voisine légère et volage. Heureusement, la marquise a trouvé la solution pour sortir son amie de ce mauvais pas.
Dans un décor de David Vera construit par Charles Grisard, le spectacle vaut d’être vu tant il est gai, léger et ludique. Marie-Josée Delecour en assure la chorégraphie et la musique est de Luc Baiwir. Jeu de dame est la troisième pièce présentée au programme de l’Arlequin en cette saison 21-22 après L’illusion conjugale d’Eric Assous et Comme s’il en pleuvait de Sébastien Thiéry.
La Compagnie royale Le Théâtre Arlequin fait davantage que mettre à l’affiche des pièces d’auteurs. Ainsi, cette saison, sous le nom de Bords de Scènes à l’issue d’une représentation une rencontre-débat en présence du metteur en scène et des comédiens ont eu lieu. De même, des lectures-spectacles de rentrée ont été organisés tout comme des rencontres d’artistes qui partagent leurs parcours lors d’entretiens conviviaux. Armel Job évoqua du plumier à la plume, Patrick Dheur le piano dans l’âme, José Brouwers 70 ans de scène et Philippe Waxweiler 20 ans de scénographie.
Autre innovation, le lancement des Amis de l’Arlequin qui témoignent du soutien à l’art vivant et de celui au petit théâtre liégeois préféré.