C’est tout simplement le livre de ma vie. Tel est le jugement d’Amélie Nothomb sur son vingt-huitième roman SOIF paru en 2019 et vendu à plus de deux-cent mille exemplaires. En cent-soixante pages, Amélie Nothomb incarne le Christ sur le chemin du Golgotha. On n’apprend des vérités si fortes qu’en ayant soif, qu’en éprouvant l’amour et en mourant : trois activités qui nécessitent un corps.
Texte le plus intime d’Amélie Nothomb, SOIF fait, depuis le 25 janvier 2021, l’objet d’une adaptation théâtrale par Mehdi Dehbi en résidence à la Maison Denise Masson à Marrakech. Mehdi Dehbi est un acteur et metteur en scène marocain né en 1985 à la maternité de Bavière à Liège, maternité qui deviendra, en 1989, le siège de l’Académie Grétry que fréquentera, à l’âge de dix ans Mehdi Dehbi. À seize ans, il interprète le rôle d’Hamid dans le film Soleil assassiné, co-produit par Martine de Clermont-Tonnerre et les frères Dardenne, consacré au poète libertaire Jean Sénac, rallié depuis 1955 à la cause de l’indépendance algérienne. Ce premier film lui vaut, en 2003, une sélection pour le Prix Joseph Plateau du meilleur acteur. Depuis, il a tourné dans plus d’une dizaine de long métrage, participé en qualité de comédien à quantité de pièces et a assuré la mise en scène de la pièce de Camus, Les Justes.
Mehdi Dehbi explique comment il conçoit l’adaptation de SOIF d’Amélie Nothomb : Le propos de cette adaptation est de ramener le cœur du Christ au centre de la scène. J’aime que SOIF nous parle en profondeur de l’homme qui a aimé et qui est aimé par un être en particulier, Madeleine. J’aime les sensations décrites de cet amour : elles ramènent Jésus à une réalité et une vérité très concrète. C’est pour cela que j’ai voulu concentrer l’adaptation du texte riche d’Amélie Nothomb, sur l’histoire d’amour, l’histoire de mort et, le lien entre les deux que l’auteur nous propose pour signifier la vie, l’histoire d’une soif. L’amour, la soif, la mort : le tiercé gagnant de Jésus. J’y vois une interprétation de la trinité, et je m’amuse donc avec le chiffre trois : trois interprètes sur scène, trois espaces scéniques (théâtral, cinématographique et audio), trois actes (la cellule, la crucifixion, la vie éternelle). Oui, c’est l’homme qui a vécu cette histoire, mais n’est-ce pas la femme qui l’a survécue ? N’a-t-elle pas droit elle aussi à prendre la parole et l’espace ? Je confie à Madeleine une place centrale dans cette mise en scène. Si Jésus était une photographie, elle en serait le négatif. Je prends le parti pris donc de construire des scènes dialoguées entre les deux personnages, puis de faire parler Madeleine comme si elle était Jésus. Ensuite, pour accompagner le Christ dans sa souffrance, rien de tel que la musique : je fais chanter un violon sur scène et laisse la force des mots de l’écrivaine simplement faire son travail. Il n’y a rien à ajouter lorsque la simplicité s’exprime de manière si troublante sur une expérience à ce point abominable que la crucifixion de Jésus (…) Sur scène, tout est justifié sans jamais être expliqué : rien n’est laissé pour compte, tout prend un sens sans forcer la sensation par l’effort ni l’effet. Se dégagera du spectacle une douceur, une simplicité, et de par ses deux interprètes féminines une certaine grâce et beauté.
Première du spectacle SOIF, le dimanche 21 février. Deux représentations, à 19h et 21h, devant un public restreint. En effet, compte tenu des impératifs sanitaires, la jauge de la salle de l’Institut français de Marrakech autorise seulement l’accès à vingt spectateurs. Il avait été envisagé de recourir à internet. Ce qui laissait entrevoir une audience accrue pour la première de cette adaptation théâtrale de SOIF. Malheureusement l’équipe qui devait assurer la transmission n’a pas pu avoir les autorisations pour venir au Maroc.
Générale de préférence à première car l’ambition de Mehdi Dehbi et son équipe est que la première de ce spectacle ait lieu à Jérusalem, là même où SOIF s’est déroulé il y a deux mille ans.