SPA 31 juillet au 16 août … le spectacle continue …

Le coronavirus allait-il interdire les festivités estivales spadoises ?  C’est ce que l’on pouvait craindre en apprenant que les Francofolies devenaient virtuelles.

UN PEU D’HISTOIRE

Depuis sa fondation en 1959 au lendemain de l’Expo 58, dans le cadre de la décentralisation recherchée par le Théâtre National de Jacques Huisman (1910-2001), le Festival de Spa a connu des difficultés qu’il a toujours surmontées. 

Premier échec : en 1960 quand le nouveau Bourgmestre Jean Discry remplaçant Jean Barzin, et le responsable de l’office spadois du tourisme Jacques Houyon décidèrent d’organiser eux-mêmes des soirées théâtrales, sans le Théâtre national qui avait l’année précédente obtenu in extremis un réel succès. Il n’en alla pas de même lors de cette initiative municipale et la Ville dut refaire appel au Théâtre national dont le deuxième Festival eut lieu en 1961 et qui organisa cette manifestation culturelle majeure chaque été jusqu’en 1985. 

En 1986, Jacques Huisman céda le relais à Jean-Claude Drouot qui, hautain, voulut rompre avec les traditions établies ce qui provoqua une chute vertigineuse de la fréquentation et mit en cause l’existence même du Festival. 

Joseph Houssa (1930 -2019)  entamait la première de ses six législatures communales spadoises (1982-2018) en tant  que Bourgmestre : il sauva le Festival en en confiant la direction à  deux de plus appréciés collaborateurs de Jacques Huisman  : l’organisateur Billy Fasbender et le comédien André Debaar qui ne disposant pas des moyens humains et techniques de la première des compagnies dramatiques  francophones belges durent faire appel aux troupes existantes pour présenter une vitrine des réalisations dramatiques en Wallonie et à Bruxelles. 

À l’issue de cette décennie, André Debaar d’abord puis Billy Fasbender voulurent à leur tour passer le relais sous l’œil attentif de Joseph Houssa. Un quatuor fut mis en place en 1999 mais celui qui devint le patron du Festival fut le fondateur de l’Atelier-théâtre Jean Vilar de Louvain-la-Neuve, Armand Delcampe qui avec le concours de sa collaboratrice Cécile Van Snick, le dirigea pendant près de 20 ans.

Le Festival devint alors un haut-lieu de la création dramatique francophone et internationale. Armand Delcampe et Joseph Houssa parvinrent non sans mal (menace de démission d’Armand Delcampe à l’appui) à obtenir en octobre 2002 du ministre libéral wallon de la culture Richard Miller un contrat-programme lui assurant cinq ans de subventions (2002-2006).
En 2006 et 2011, la ministre socialiste bruxelloise Fadila Laanan refusa de négocier tout nouveau contrat-programme quinquennal et en 2016-2017 la ministre démocrate humaniste bruxelloise Joelle Milquet devint à ce point négative qu’elle alla jusqu’à suggérer la suppression pure et simple du Festival, conduisant à la démission anticipée d’Armand Delcampe . Mais en raison de poursuites judiciaires contre ses agissements au sein même de son cabinet, Joëlle Milquet fut remplacée comme ministre par une spadoise d’origine Alda Gréoli qui, malgré les réticences bruxelloises, signa avec Joseph Houssa et Cécile Van Snick un nouveau contrat programme.

Cécile Van Snick qui n’avait accepté qu’un intérim à Spa en s’orientant prioritairement vers la direction de l’Atelier Théâtre Jean Vilar de Louvain-la-Neuve céda le relais en 2018 à Axel de Booseré dont les qualités sont justement reconnues mais qui ne bénéficie pas comme Jacques Huisman et Armand Delcampe de l’assise d’une grande compagnie théâtrale. Si fin 2018 après trente-six ans de mayorat Joseph Houssa céda son fauteuil de Bourgmestre à une collaboratrice municipale de longue date Sophie Delettre, il ne démissionna pas de la présidence du conseil d’administration du Festival de théâtre de Spa avant son décès en février dernier.  En août 2018, Joseph Houssa écrivait : « Le Festival Royal de Théâtre de Spa est inscrit dans l’histoire du théâtre belge depuis 59 ans. Historiquement il en est même l’un des piliers principaux. Né d’une politique de décentralisation qui voulait porter en dehors de Bruxelles les créations phares du Théâtre National, il a su au fil des années et des directions successives, s’adapter aux transformations du paysage théâtral (…) ».

Nous osons espérer qu’un hommage chaleureux lui sera réservé lors du Festival. en y  invitant le duo  Delcampe Van Snick qui l’anima depuis 1999

LES INNOVATIONS DE 2020.

Cette année 2020 est marquée non seulement par l’élaboration d’une édition spéciale imposée par la situation sanitaire mais aussi par deux nouveautés :

1°) la ministre de la Culture est, pour la première fois, une écologiste wallonne ;   

2°) la présidence du conseil d’administration passe de feu un mandataire de 89 ans à un agent municipal de 27 ans.

Une Ecolo wallonne, ministre de la Culture

À priori – après l’intérim Gréoli – le fait qu’une écologiste wallonne succède à treize années de désintérêt voire d’hostilité de la part des Bruxelloises Laanan et Milquet, qui poursuivirent l’œuvre de recentralisation de feu Philîppe Moureaux (à deux reprises), de Charles Piqué surtout et d’Eric Thomas, notamment, avait tendance à  réjouir l’ami que je fus de feu Jacky Morael, vice-président de l’Institut Jules Destrée et du Premier Echevin écolo  liégeois de 1982 à 1988, Raymond Yans, un des rapporteurs du premier Congrès du mouvement Wallonie, Région d’Europe.

Mais les compétences et le parcours de Madame Linard ne nous rassurent guère. Tout d’abord parce qu’en particulier dans le contexte actuel, la Vice-Présidente du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a trop de compétences extérieures à la Culture : la Santé face à Maggy De Bock, les médias, les droits des femmes, la petite enfance…

Nous ne connaissons pas son équipe où la culture est gérée par des collaboratrices et collaborateurs conduits par Mesdames Manon Letouche et Maîté Bodart. Nous ignorons aussi si certains des sept conseillers communaux spadois d’Ecolo sont motivés pour promouvoir auprès de la ministre les intérêts culturels de leur ville qui fut jadis « le café de l’Europe. 

Née à Ottignies le 22 août 1976, Bénédicte Linard fut la vice-présidente de la Fédération des Etudiants francophones où elle représentait ses condisciples des Facultés catholiques bruxelloises Saint-Louis.  Elle avait passé toute son enfance et toute son adolescence à Anderlecht dont elle semble ainsi aussi originaire que ne le sont Eric Thomas et Fadila Laanan.

Après un long stage professionnel à Montréal, elle enseigna dans l’enseignement secondaire à Anderlecht. Après un bref passage au Parlement wallon, elle fut dans l’arrondissement de Soignies défaite en 2014 comme alors les quatre autres parlementaires wallons écologistes du Hainaut.  Devenue pendant trois ans une collaboratrice du cabinet de l’actuel co-président d’Ecolo, Nollet, elle fut élue sur le plan communal en 2012 et 2018 et choisie comme Échevine principalement des Finances auprès d’Olivier Saint-Amand, Bourgmestre Ecolo d’Enghien, cette commune à facilités pour les néerlandophones située à la limite du Hainaut et du Vlaamse Brabant.

En 2019, tête de liste et avec un score modeste en votes nominatifs seule élue écolo au Parlement wallon de l’arrondissement de Tournai, Ath, Mouscron, elle fut choisie par Nollet comme Vice-Présidente du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Nous aimerions être démentis mais Bénédicte Linard nous semble ne pas être une régionaliste wallonne de choc résolue à imposer une répartition équitable des subventions culturelles localisables entre la Wallonie et Bruxelles. Puisse-t-elle lire les accords Persoons Dehousse de la fin des années 1970, et les faire respecter. Un premier témoignage de son intérêt ou de son désintérêt pour la culture en Wallonie sera sa présence ou son absence à Spa où il importe d’encourager Axel de Booseré qui a eu l’intelligence et le courage de maintenir une édition spéciale du Festival spadois cette première quinzaine d’août.

Un nouveau président du Conseil d’administration du Festival

La présidence du Conseil d’administration du Festival a depuis sa création très normalement été attribuée à la Ville de Spa. En l’occurrence aux Bourgmestres successifs et en tout premier lieu à Joseph Houssa pendant plus de trois douzaines d’années. Suite cette année au décès de celui-ci, celle qui après avoir très longtemps étroitement collaboré avec lui, était devenue la nouvelle Bourgmestre Sophie Delettre allait, pensait-on, assumer cette présidence. Il n’en sera rien.  

Ce ne nous semble cependant pas du désintérêt.  En effet nous constatons qu’aux côtés de ses obligations sécuritaires (police, pompiers) la Bourgmestre a tenu à ne garder dans ses compétences que deux domaines : la reconnaissance de Spa par l’Unesco et la Culture. Précisons en outre, que la dizaine de mandats qu’elle déclarait fin 2018 après sa prise de fonctions mayorales n’en comportait, à la seule exception de sa tâche de Bourgmestre, aucune qui soit rémunérée. À la surprise de beaucoup, elle a proposé et obtenu que la présidence du conseil d’administration du Festival soit confiée à un non mandataire, employé d’administration de la  ville de Spa s’occupant au sein des services généraux du secteur de la communication mais assumant aussi  le secrétariat direct de Madame la Bourgmestre dont l’adresse électronique officielle est celle de ce jeune collaborateur : adrien.undorf@villedespa.be.

Celui-ci, à 27 ans, n’est nullement un « énarque » doté d’un haut statut hiérarchique.  C’est de toute évidence une personne dans laquelle la Bourgmestre a pleine confiance et qui est passionnée de théâtre. De 5 à 11 ans, il multiplia des cours lui permettant de surmonter des difficultés initiales d’élocution.  Après avoir à la fin de ses humanités au Collège Saint-Remacle à Stavelot connut des hauts et des bas lors de deux expériences d’art dramatique, il renoua cinq ans plus tard au sein de deux compagnies (« Oxymore » et celle du « Pas’sage ») avec une bonne demi-douzaine de projets théâtraux allant des « Femmes savantes » de Molière en 2016 à d’autres d’auteurs beaucoup moins connus comme Claude Monteil (« La pensée traverse ») l’an dernier. Voici donc aux côtés d’Axel de Booseré, un très jeune président, disponible, dynamique, passionné. Que souhaiter de plus ?                 

Lors de premières déclarations publiques, Adrien Undorf (Photo du titre) affirme :« Le théâtre fait partie intégrante de ma vie ; C’est aussi vital pour moi que de manger ou de respirer ». Il souhaite que le Festival s’étende en dehors du Centre culturel de Spa, en disant « Il faudrait que le Festival parte davantage à la rencontre du citoyen comme par exemple avec les Baladins du Miroir qui installent leur chapiteau sur la place Royale. Ensuite nous aimerions véhiculer le programme d’une manière plus dynamique, plus sociale et plus humaine.  Nous allons organiser des rendez-vous, des événements pour parler de la programmation. » Fort bien pour autant que ce soit sous la houlette du Directeur de Booseré.

L’octogénaire que je viens de devenir et qui s’intéresse au théâtre depuis qu’à seize et dix-sept ans, il est parti en auto-stop (il n’y avait pas d’autoroutes) participer aux semaines de Rencontres internationales des Jeunes aux Festivals 1956 et 1957 du Théâtre National Populaire de Jean Vilar. J’y ai appris que le théâtre devrait d’abord consister à servir avec humilité de grands textes et non à se servir de textes médiocres que metteurs en scène et comédiens considèrent comme des faire-valoir.       

Un président de conseil d’administration c’est celui qui étudie comment développer les moyens nécessaires au développement de la qualité des prestations livrées aux publics les plus larges. Les meilleures œuvres classiques de Shakespeare à Brecht en passant par Molière et bien d’autres réclament ces moyens. Il importe donc de connaître quelles sont les potentialités budgétaires et veiller à ce que les 20 à 25 % de francophones que compte Bruxelles en Belgique ne se réservent pas comme à présent 75 à 80 % de ces moyens publics disponibles. Il importe dès lors de bien connaître les modalités d’octroi des subventions avec l’aide de personnes compétentes et motivées pour que cabinet ministériel et administration soient orientées vers plus d’équité.  La province ne suscite trop souvent que le mépris de gouvernants centralisateurs. Par exemple un Jean-François Viot n’est pas seulement l’auteur de pièces intéressantes représentées au Festival comme sur « La Route de Montalcino » en 2009 (voir les 120 pages consacrées aux cinquante premières années du Festival de Théâtre de Spa par le journaliste Philip Tirard) mais qui pourrait aussi devenir un très fin analyste de ce qu’il convient de faire pour que Spa reste un haut-lieu wallon de l’art dramatique. Que le nouveau Président n’hésite pas à s’entourer de telles compétences.

Jean-Marie ROBERTI

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