Greenwood est le nom d’un quartier de la ville de Tulsa dans l’État d’Oklahoma. Tulsa, ville figurant dans le top-50 des cités américaines les plus peuplés, a été durant une partie du vingtième siècle surnommée la capitale mondiale du pétrole. Quant à Greenwood, il est appelé Negro Wall Street vu que ce quartier prospère est aux mains d’Afro-Américains aussi aptes à faire affaires que des Blancs. Tous les ingrédients sont réunis pour narrer une belle histoire. Et pourtant tout a basculé, il y a près d’un siècle, en 1921, très exactement le 31 mai et le 1er juin.
Il faut savoir que la veille, le 30 mai, un Noir de 19 ans, Dick Rowland, un cireur de chaussures a, par inadvertance, marché sur le pied de Sarah Page, 17 ans, préposée au fonctionnement d’un ascenseur au Drexel Building. En ce temps-là tant aux États-Unis que chez nous – et ceci dura notamment au Grand Bazar de Liège jusqu’aux années cinquante – le fonctionnement d’un ascenseur public requerrait un emploi spécifique. Sarah Page ressentit l’écrasement de son pied comme une tentative de viol. Elle cria, elle s’enfuit. Peu après, Dick Rowland est arrêté par la police.
À Greenwood, une rumeur fait état que le cireur risque d’être lynché – une coutume du coin pour lutter contre les lenteurs de la justice. Un demi-millier d’Afro-Américains se rend aux abords du Tribunal en vue de le protéger. Les Blancs les considèrent comme une menace et gagnent en voiture Greenwood et les émeutes commencent. Des aéroplanes bombardent de boules de térébenthine en feu le quartier provoquant des incendies. Assiégés dans une église, des Noirs connaissent le sort des nobles liégeois la nuit du 3 au 4 août 1312 en l’église Saint-Martin. Ils sont carbonisés.
Bilan des deux jours d’émeutes : plus de 300 morts dont près de la totalité est Afro-Américaine. La plupart jeté en fosses communes en des endroits inconnus. En février 2020, la ville de Tulsa a décidé d’entreprendre des fouilles en avril en vue de les retrouver. La Covid-19 a retardé l’exécution de cette décision. Blessés? Plus de 300, un tiers Blanc. 9000 Afro-Américains sans-abris. 6000 Afro-Américains en état d’arrestation.
Si à l’époque, le massacre raciste de Tulsa a fait l’objet d’articles de presse tant en Amérique qu’en Europe, une Europe en reconstruction au lendemain de la guerre, curieusement, comme le note Wikipédia, « L’émeute fut en grande partie omise des histoires locales, étatiques et nationales : l’émeute raciale de Tulsa de 1921 a rarement été mentionnée dans les livres d’histoire, dans les salles de classe ou même en privé ».
Tulsa est la ville choisie par Donald Trump pour son premier meeting de campagne en vue de sa réélection. Initialement, il avait choisi de tenir son meeting le 19 juin, la date du « Juneteenth » ou « Emancipation Day » célébrant la fin de l’esclavage au Texas. Il a reporté son meeting au 20. Meeting prévu dans une salle de 22 000 places à laquelle il veut adjoindre une autre de 40 000. L’enthousiasme de Trump pour Tulsa n’est pas du goût du quotidien « Tulsa World » craignant notamment le risque sanitaire dû à la Covid-19. « Ce n’est le bon moment, et Tulsa n’est pas le bon endroit pour un meeting de Trump » !