Un gamin d’Assebroek, né (jour pour jour) deux ans avant le « golpe » de Pinochet et trente ans avant les attentats perpétrés à New-York par Ben Laden, me semble pouvoir partager la devise de Georges Simenon (« Comprendre, ne pas juger ») et apprécier la philosophie d’un poète louviérois Achille Chavée « ce peau rouge qui ne marchera jamais dans une file indienne ».
David Van Reybrouck est lui une homme du XXIème siècle ayant d’abord acquis une double expérience comme étudiant et comme enseignant dans le vaste domaine des « sciences humaines » puis ayant à 35 ans décidé d’abandonner l’enseignement universitaire pour se consacrer à temps plein à l’écriture.
Parmi les matières qu’il a étudiées et professées à Leuven et à Cambridge, à Leyde (où il présenta son doctorat), à Barcelone ou à Paris, l’archéologie et la philosophie, l’anthropologie, l’histoire de l’art, l’histoire et la préhistoire, etc. Comme écrivain, il s’exprime par le roman, par la poésie, par des chroniques de presse, par les essais, par le théâtre.
Je l’ai découvert il y a quelques années en dévorant les 680 pages de son essai « Congo, une histoire ». J’ai ensuite parcouru son pamphlet « Contre les élections » et si je ne suis pas partisan au retour à l’ancien régime de la procédure de choix annuel des Bourgmestres de Liège et des Bonnes Villes de ma Principauté, je dois bien reconnaître qu’il est impératif que la démocratie représentative trouve de nouvelles formes d’expression. Car nous en sommes arrivés au point où, par exemple, en octobre dernier au scrutin communal liégeois sur 132.164 inscrits, 33.627 n’ont pas voté valablement soit davantage que le nombre de voix de la principale liste politique, celle du Bourgmestre PS, 30.289.
Tout en écrivant Congo, David Van Reybrouck avait exposé la vie d’un missionnaire André Vervecken et il avait confié ce monologue à Bruno Vanden Broecke mis en scène par l’ami de celui-ci Raven Ruell. Un chef d’œuvre a-t-on écrit. David Van Reybroeck s’est aussi intéressé à un sujet dont l’armée n’aime pas entendre parler : la principale mission belge en Afrique noire, celle qui en 1992-93 conduisit en Somalie des centaines de militaires mal préparés et dont certains commirent des exactions inadmissibles.
Un sergent parachutiste flamand Nico Staelens exprime pendant 90 minutes le malaise qui imprégna nombre de participants. Et bis repetita placent, le monologue fut à nouveau confié à Bruno Vanden Broecke. Quelle exceptionnelle performance ! S’exprimer seul en scène pendant nonante minutes c’est déjà un exploit mais quand vous devez le faire dans une autre langue que la vôtre dont vous n’êtes en rien un spécialiste, la difficulté se trouve encore augmentée. Et ce qui est tout-à-fait remarquable c’est que ce comédien ne donne pas du tout l’impression de forcer son talent. Au contraire, il est serein, rassurant, d’un naturel permanent . Il incarne son personnage à la perfection et mérite les éloges les plus chaleureux . Bien entendu cette réussite découle du style de l’auteur, style qui est direct, simple,efficace, toujours très largement compréhensible et quant au fond, mesuré (ni condamnation excessive ni complaisance complice.)
Ces 14 et 15 Août le Festival Royal de Spa aura vécu trois heures qui peuvent prendre place dans les meilleures pages de son histoire
Jean-Marie ROBERTI
PS. Question : après les spectacles pourquoi mélanger le public qui veut discuter autour d’un verre et celui qui souhaite écouter ce qui lui est proposé comme d’excellentes interprétations de Brassens rendues inaudibles par le brouhaha ambiant ?