Du Condroz à la Baltique, un roman de Charly Dodet.

J’avais un peu plus de vingt-cinq ans quand j’ai disparu de ce monde. Aujourd’hui, je serais presque centenaire, si j’avais vécu. Beaucoup de temps a passé depuis cette époque de ma vie. Si je me décide à intervenir à présent, c’est parce que je ne puis rester indifférent à l’évolution d’un monde qui me paraît tellement étranger à celui que j’ai connu et parce que j’ai très peur que les enfants de demain nous oublient un peu trop facilement.

Ces lignes marquent le début du cinquième roman de notre confrère Charly Dodet qui durant quarante ans arpenta le Condroz en qualité de journaliste professionnel de Vers l’Avenir (L’Avenir aujourd’hui). Des galoches sur la Baltique (1), c’est  six ans de vie de Marcel, l’aîné de la famille, sept ans plus âgé que mon frère. Pourtant, je ne jouissais pas de privilèges particuliers, entre une mère autoritaire, un père débonnaire (…) J’avais réussi à économiser un peu d’argent, juste assez pour acheter un vélo de course, et (…) je m’essayais à quelques champions de la petite reine, sur les chemins du Condroz comme sur la piste du vélodrome de Havelange… Les villages étaient paisibles, les filles étaient jolies et le soleil éclairait les chemins creux et les champs labourés.

Marcel est un personnage réel. Il est l’oncle de Charly Dodet qui lui a dédié ce livre ainsi qu’à son frère Jean,  deux frères nés entre les deux Guerres Mondiales, qui ont su placer leur idéal au-dessus de toute autre considération de leur âge et de leur époque. Marcel a vécu des moments d’histoire avérés. Pourtant, Charly Dodet réfute l’appellation de roman historique. Il l’affirme haut et net : Ce livre est une œuvre de fiction. (…) Et les situations, les descriptions ou les propos rapportés sont le fruit de l’imagination de l’auteur.

Le décor est planté, nous sommes, en août 1939, à Chardeneux,  classé aujourd’hui comme l’un des plus beaux villages de Wallonie.  Chardeneux, c’est un petit village ramassé en boule, blotti à l’extrémité sud du Condroz, à proximité de la faille qui dégringole vers la Famenne. Les maisons et l’église sont massives et anciennes, construites il y a plusieurs siècles en moellons de pierre grise tirés des carrières des environs. Si l’église domine le village, à flanc du coteau qui grimpe vers le Bois de Mont, le village s’est logé en contrebas, à l’abri des mauvais vents du nord. Un petit ruisseau, qui prend sa source dans les escarpements de Bassines, traverse le village. Marcel, vingt ans ce jour, effectue la moisson avec son papa Nicolas et Jean, son frère. La vie à la campagne, le métier de fermier, non, ce n’était pas mon objectif. En secret, je rêvais de mieux que cela, (…) je voulais gagner de grandes courses cyclistes, devenir une vedette, que les foules viennent me voir courir, applaudissent à mon passage et plus encore en me voyant monter sur le podium.

Pas loin de Chardeneux est le hameau cul-de-sac de Bassines où se trouve un château du XVIIIème siècle. Des ecclésiastiques espagnols s’y sont réfugiés en 1936 fuyant la terror rojo. En 1939, il est occupé par une fondation à la recherche d’une propriété discrète  pour  ouvrir une école loin de la ville. Curieux de nature, assez téméraire, Marcel décide d’aller voir. Il est reçu par une dame qui lui demande de revenir quand le directeur sera là : les temps ne sont pas sûrs, et nous devons nous méfier. Cet endroit peut bien jouer son rôle, à condition  qu’une grande discrétion soit respectée à son sujet.

Marcel retourne au château, voit le directeur Willem Vanden Schoten qui le jauge, la confiance s’établit entre les deux hommes. Le château de Bassines accueille une école pour enfants juifs. Lorsque la guerre éclate, les cours continuent, la Résistance s’organise et veille. Willem Vanden Schoten confie à Marcel des responsabilités accrues : Tu as énormément de qualités, tu as beaucoup de prestance, tu as appris très vite à imposer tes vues, tu réfléchis beaucoup et j’ai constaté que les hommes font très attention à ce que tu dis. Crois-moi, te serais notre meilleur chef. ( …) Voilà comment à 22 ans, Marcel est devenu chef de section, gratifié du grade de capitaine.

En fin d’ouvrage, Marcel s’interroge : le centenaire que je serais à présent est perplexe aujourd’hui. (…) Plus rien n’est comme avant mais avez-vous pu profiter de ce séisme de 39-45 pour mettre les outils qui vous éviteront de telles dérives ?

La première page de couverture du livre Des galoches sur la Baltique est une illustration de cette mer. Les Éditions Persée ont délicatement inscrit dans le ciel une photo de Marcel.

Des galoches sur la Baltique – Charly Dodet – Roman – Éditions Persée – ISBN 9782823126945 – 166 pages – format 148×210 – 14.50 €

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s