Une amitié artistique aux 125 ans du Vieux-Liège.

Le Vieux Liège a 125 ans (cfr Liège 28 du 6/1/19). 125 ans, ça se fête. Première manifestation au Musée de la Vie wallonne avec deux historiens de l’art Nadine de Rassenfosse – arrière-petite-fille du peintre Armand Rassenfosse – et Xavier Folville qui ont évoqué l’amitié artistique entre Gustave Serrurier-Bovy et Armand Rassenfosse devant une salle comble. Très comble même au point que la capacité de la salle a été inférieure au nombre de personnes désireuses d’assister à la conférence. Preuve que les combats du Vieux Liège n’ont jamais été vains, ils ont donné à la population le goût du patrimoine, rien aymez s’il n’est cognu.

Né en 1858, Gustave Serrurier entreprend à l’Académie des Beaux-Arts des études d’architecte. Étudiant, il vitupère la manière d’enseigner et il n’est pas certain qu’il ait acquis son diplôme. Architecte – le titre n’est pas protégé -, Gustave Serrurier est aussi commerçant. Au 38 rue de l’Université, il exploite avec sa femme Marie Bovy un commerce de produits exotiques et de meubles. Il est également industriel. Utopiste, On érige en vérité cette idée fausse que les modestes, les simples ne peuvent (…) posséder la jouissance artistique et que toute aspiration esthétique leur est impossible sinon interdite. (…) C’est à cette catégorie de travailleurs, que j’appelle artisans faute d’un vocable plus précis, que je voudrais montrer que l’art n’est nullement au service de la richesse seulement. […] Il faut que la grande masse participe à la vie artistique.

Utopiste, pas ébéniste, il présente, en 1884, à Bruxelles, au Salon de la Libre Esthétique un cabinet de travail, en 85, une chambre d’artisan. Production industrielle, en bois blanc, de meubles brevetés tout comme l’ameublement des maisons ouvrières à Cointe lors de l’Expo universelle de Liège en 1905. Il ouvre des succursales à Bruxelles, rue Neuve, à Paris, boulevard Hausmann, à  La Haye, à Nice. Il participe à l’Expo universelle de Saint-Louis aux États-Unis, en 1904.

L’année précédente, il édifie, au parc de Cointe, sa villa Art nouveau avec notamment une mosaïque d’Auguste Donnay, l’Aube. Séduit par le mobilier de Serrurier qui ne se bornait pas qu’au bois blanc, un Argentin lui confie, en 1908, la construction d’une grande villa à Mar del Plata. Toute la décoration intérieure a été conçue et réalisée à Liège et installée par des ouvriers liégeois. Bref, du Calatrava avant l’heure !

Cadet de Gustave Serrurier, Armand Rassenfosse est né en 1864. Après ses secondaires à Saint-Servais et à l’Athénée de Namur, il est voué à travailler dans le commerce paternel en Vinâve d’Île alors qu’il a l’âme d’un artiste. Autodidacte, il pratique la gravure.  Quand il rompt avec l’entreprise familiale, il est engagé par l’imprimeur Auguste Bénard où il rejoint Auguste Donnay et Émile Berchmans en qualité d’affichiste. On lui doit notamment une affiche vantant le genièvre la croix rouge !

Admirateur de Félicien Rops dès son adolescence, en septembre 1888, il s’enhardit – Rops a la réputation d’être inaccessible – à le voir dans son atelier parisien. Réaction de Rops vos estez d’Lîdge et le courant passe. Rops introduit Rassenfosse dans les milieux artistiques et littéraires parisiens. Ensemble, ils mettent au point une nouvelle pratique du vernis mou, le ropsenfosse. La complicité des deux artistes en dépit de la différence d’âge – 31 ans – est totale au point que Rassenfosse est l’exécuteur testamentaire de Rops. C’est un admirateur passionné de Rops, Eugène Rodrigue, président des Cent Bibliophiles, qui passe commande à Armand Rassenfosse de l’illustration des Fleurs du Mal, au tirage limité à 130 exemplaires. La quarantaine atteinte, Rassenfosse est tout entier à la beauté féminine, Poyette, Baudelaire et sa muse, Le peignoir jaune, Les lutteuses et autres Hiercheuse. Chaque modèle serait liégeoise pour autant que Rassenfosse ait suivi le conseil de Rops ; Prends garde aux Flamandes et aux Hollandaises. Fais des Liégeoises …

En 1899, délaissant le petit atelier que lui avait construit Gustave Serrurie dans sa vaste propriété, Rassenfosse confie à l’architecte liégeois Paul Jaspar l’érection de la maison familiale rue Saint-Gilles, au 366. Maison qui faillit de peu d’être démolie, dans les années septante, lors de l’édification de la piste de ski de l’autoroute Bruxelles-Liège. La maison est double, une partie habitation, une partie atelier. Double escalier, double passage … qui lui permettent de donner un accès discret tant aux modèles qu’aux amis artistes parmi lesquels James Ensor. Avec un siècle d’avance, Armand Rassenfosse réalise le rêve des milléniaux, séparer vie professionnelle et vie privée. Dans la partie atelier, une presse qu’utilisent également d’autres artistes tels Adrien de Witte, Auguste Donnay et du mobilier de Serrurier dont notamment un bureau aux multiples tiroirs. La maison-atelier qui, au dire de Paul Jaspar, est du style Vieux Liège du XVIIe siècle classée depuis 2009 au Patrimoine immobilier culturel de Wallonie. Avec son contenu, elle a été léguée par la petite-fille Claire de Rassenfosse à la Fondation Roi Baudouin pour en faire un lieu culturel.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s