
Hier, j’ai assisté aux funérailles de Robert Stéphane dont j’ai été un des proches depuis près de cinquante-cinq ans. Notre dernière collaboration remonte au premier octobre de cette année à la commémoration du premier Liège-Matin qui a introduit l’information locale sur les ondes de la RTB il y cinquante ans. Évoquons quelques souvenirs de cet homme qui n’a cessé de m’étonner et je ne suis pas le seul à l’avoir été.
En octobre 63, le Conseil d’Administration de la RTB lui confie la charge du studio de Liège. À cette appellation légale, Stéphane préfère une autre de son cru, Centre de production de Liège. Tout en approuvant la nouvelle dénomination, l’administrateur-général Robert Wangermée lui fit la remarque : vous auriez pu m’en parler avant ! Pour produire, il faut des idées, des femmes et des hommes. Le 2 janvier 64, je fus le premier journaliste professionnel qu’il engagea et m’autorisa de cumuler avec mon job de correspondant d’Europe 1 à Liège.
Le premier août 65, il engage Roger Dehaybe encore étudiant en romane mais qui a déjà à son actif la fondation du Théâtre de la Communauté à Seraing. Il doit créer Radio Télévision Culture (RTC) qui remplacerait une association fondée en 47 sans guère avoir évolué depuis. Elle se contente de publier une revue et de patronner une émission de disques demandés où chaque semaine, une chanson était dédiée à la jolie Martiniquaise de la rue de Bruxelles ! L’acquisition par RTC d’une table de montage TV a permis de sortir les premières émissions TV labellisée Centre de production de Liège. Une des toutes premières fut, en 66, consacrée à la conquête de l’espace réalisée en collaboration avec le professeur Baudouin Fraeijs de Veubeke de l’ULg. Dix ans avant l’inauguration officielle des studios TV, le 27 septembre 76.
Le Centre de production de Liège ne cessait de produire au point de se transformer en une PME de près de 300 personnes. L’œuvre de Robert Stéphane fut poursuivie par Jean-Marie Peterken et Mamine Pirotte. Aujourd’hui, les temps ont bien changés !
Un des orateurs de Robermont, Edmond Blattchen a déclaré :Le rêve éveillé de ce citoyen parmi les citoyens, c’était d’aider chaque auditeur, chaque téléspectateur, à devenir un citoyen, informé, libre et responsable. Nous émanciper tous, et, d’abord, les femmes ! Aussi, dès octobre 64, Robert Stéphane lance le Magazine F. Il y est question bien avant que les autres médias en parlent de planning familial ou de pilule contraceptive.
Dans le cent-nonante sixième Noms de dieux dont Robert Stéphane est l’invité – émission qui est rediffusée, sur la Trois, dimanche9 décembre à 22h05 – il déclare, à propos du titre : pour beaucoup d’humains, l’invention des dieux est l’occasion de mieux vivre (et mourir). Je suis un laïc ouvert. Toutefois, Edmond Blattchen de préciser : mais d’une laïcité de conviction et, s’il le fallait, de combat ! En 73 où l’affaire Peers éclate, Robert Stéphane est en tête du cortège qui réclame à Liège la libération du médecin namurois.
À l’âge de 16 ans, en 48, Robert Stéphane joue dans Cuzin Bébert, l’opérette en wallon de Joseph Duysenx et participe aux émissions wallonne de Radio Liège. Un simple décompte montre que Robert Stéphane, décédé à quelques jours de ses 86 ans, a été actif dans l’audiovisuel durant septante ans !
Un tout grand monsieur ! Le média publ!c audiovisuel manque d’un tel visionnaire, pétri en outre du soucis permanent d’éducation populaire et d’information analysée et commentée, dans l’optique revendiquée d’élever à la culture et à la responsabilité sociale le plus grand public ! Un salut ému .
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