Edgard, comptable à la retraite, son épouse qui a toujours porté la culotte dans le ménage et un médecin convaincu de la justesse de ses recherches sont les trois personnages à partir desquels Charly Dodet a construit son quatrième roman L’escapade à Genève (1).
Porteur d’un lourd secret – la date de sa mort – que lui a révélé un médecin spécialiste exigeant par ailleurs le mutisme total, Edgard a changé. Maintenant, il passe des heures au café des Trois Clés. Maintenant, prétextant de nouveaux examens médicaux à Bruxelles, il fait seul une escapade à Genève. Il avait envie, après ce qui lui est arrivé, d’enfin profiter de quelques moments pour découvrir ce qu’il a toujours voulu voir : le lac de Genève, un petit bout de Suisse et les montagnes.
Cette escapade se révèle moins bénéfique qu’Edgard ne l’a espéré. Sa femme ayant découvert son mensonge commence à fantasmer. L’illogique devient logique et tout s’enchaîne. Le talent de Charly Dodet est de transcrire en phrases simples des faits qui se sont simplement passés. Dans le romancier perce le journaliste qu’il a été des années durant à Vers l’Avenir devenu aujourd’hui L’Avenir !
Même plongé dans l’intrigue, Charly Dodet garde l’œil du journaliste : descendre d’un train, en Belgique, est toujours périlleux ! L’espace entre la plateforme et le quai est démesurément grand et il y a lieu de faire une belle enjambée si l’on ne veut pas se coincer le pied sous l’ultime marche.
L’escapade à Genève pose un problème fondamental. De tous temps, l’humain sait qu’il est appelé à mourir. Quand ? Parce qu’être à même de répondre à cette question ouvre la voie à des marchés fabuleux, des chercheurs s’échinent à la trouver sans s’inquiéter si l’humanité en sera plus heureuse. Incontestablement, Edgard – cobaye malgré lui – ne l’est pas devenu. Je ne sais pas si vous rendez bien compte de ce qu’est devenue ma vie. Je ne sais plus où aller. Je stresse en permanence, je fais des hallucinations, je vois des fantômes partout (…) J’entends des horloges partout, et dans mon esprit, il n’y a plus qu’une seule chose qui compte : je décompte les jours et les heures !
D’un naturel optimiste, Charly Dodet parvient à mener L’escapade à Genève non pas vers un happy end – ce qui serait banal – mais vers une toute autre finale. C’est surprenant mais très vraisemblable. À l’image de la vie …
(1) L’escapade à Genève – roman – Charly Dodet – Éditions Persée – Aix-en-Provence – 234 pages – 19 € 30