C’est la volonté de ne pas permettre la fin du Festival de théâtre de Spa en 2017 qui a dominé le climat de cette année 2015
Nous avons évoqué la réunion extraordinaire du Conseil communal de la Ville de Spa ce vendredi 14 août avec ce seul point à son ordre du jour.
Rappelons qu’en 2012 à Spa le MR obtenait, comme en 2006, 55% des votes valables (les votes nominatifs de préférence pour le bourgmestre dépassant la moitié des suffrages de sa liste) soit 13 des 21 sièges (un de moins qu’en 2006 ce qui permit à Ecolo d’entrer au Conseil) la liste proche du CdH progressant en voix mais pas en sièges (4) tandis que les socialistes avec trois sièges (statu-quo) étaient associés au Collège. Ce 14 août (alors qu’ailleurs le quorum de 11 sur 21 ne serait pas souvent réuni à une telle date) 18 des 21 conseillers spadois étaient présents soit les 13 MR, les 3 PS et 2 des 4 Cdh (les trois vacanciers étant les deux autres CdH et l’élu Ecolo).
Le texte de la délibération fut discuté et amendé mais voté à l’unanimité sans aucune abstention c’est-à-dire par le MR mais aussi par les représentants des deux partis qui forment la majorité au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles (PS et CdH). Nous serions étonnés si la même unanimité ne pouvait pas être obtenue au niveau de l’arrondissement de Verviers et de la Province de Liège ce qui ouvre des perspectives régionales et communautaires.
Ce nouveau rapport de forces rend crédible la claire revendication des élus spadois; 1° le maintien du soutien par la Fédération Wallonie Bruxelles du Festival royal de théâtre de Spa; 2°) une réception par Mme la Ministre et la « commission d’avis » (le CAD ou Conseil de l’Art dramatique) d’une délégation de la Ville de Spa et de la Direction du Festival pour comparer objectivement les arguments des uns et des autres. L’analyse qui précède cette double conclusion est éclairante.
L’annonce par le courrier du 17 Juillet 2015 de Mme Milquet de la non subsidiation du Festival dès 2017 se base sur des données infondées du CAD.
– 1° Ce Festival n’aurait qu’un ancrage local: argument creux car ces cinq dernières années un quart du public vient du Brabant wallon, du Hainaut de Namur et du Luxembourg ainsi que de Bruxelles (9%) les Spadois représentant 7,55% tandis que ce sont les spectateurs des autres coins de la Province de Liège qui constituent un peu plus des deux tiers du public. Or l’agglomération liégeoise ne constitue pas un ancrage local spadois.
– 2° Le CAD déplore l’absence d’infrastructures adéquates . C’est faux :certes, aucune subvention n’a été demandée car on ne les obtient que trop tard et trop partiellement mais la petite ville de 10.000 habitants a investi sur fonds propres 6.347.141 euros et 27 cents (soit plus de 256 millions ou plus d’un quart de milliard de francs belges) Quelque 2.500 frs belges par habitant pour les infrastructures des spectacles aucune cité de chez nous ne dit mieux.
– 3° Le soutien à un Festival estival de théâtre en Wallonie devrait selon le CAD être plus affirmé qu’à Spa. Cela ne manque pas de culot : alors que la Fédération Wallonie Bruxelles réduit son concours à la Wallonie et en particulier à Spa, cette cité met gracieusement ses salles à la disposition du Festival et lui octroie une subvention de 118.775 euros
– 4° A la fermeture préconisée par le CAD la Ville de Spa rétorque: comparez les obligations contractuelles 2008 à 2012 du Festival à savoir 15 créations et 15 autres co-produites ainsi que 300 représentations alors que le Festival a présenté 34 créations, 24 autres co-produites et 337 représentations. En réalité avec une subvention de 31 euros par spectateur le Festival de Spa dont les comptes sont sains obtient trois à quatre fois moins que bien d’autres.
La Ville de Spa et son conseil communal unanime déplorent que une aussi brutale tentative de mettre fin à plus d’un demi-siècle de créations artistiques de qualité suivies par un public nombreux (94’% de taux d’occupation en 2015 !) ait été développée sur base d’arguments incorrects et cela sans la moindre concertation avec les organisateurs ni avec la Ville de Spa qui restent désireux d’améliorer encore leur Festival en prenant en compte les dix objectifs de la note d’orientation de la Ministre. Bref, l’heure est au dialogue mais aussi à la résistance s’il ne devait pas être fructueux.
Quant au bilan du festival 2015, il a été évoqué lors de la rencontre avec le public organisée chaque année en fin de matinée le dernier jour des représentations. Cette fois cette rencontre fut ouverte par un vigoureux plaidoyer très applaudi du Bourgmestre Joseph Houssa. En 10 jours plus de 11.000 spectateurs (700 étant comptés plusieurs fois car abonnés) ont assisté à 50 représentations de 20 spectacles dont 15 affichèrent complets (le taux d’occupation avoisinant 94%). Le rendez-vous de 2016 est déjà donné: onze jours du vendredi 5 au lundi 15 Août. Et pas question que ce soit pour une dernière édition
Une telle défense spadoise doit se prolonger avec force à Liège en faveur du Festival et aussi tout particulièrement aussi du Théâtre Arlequin dont la Ville a récemment acheté les salles de la rue Ruxthiel pour pérenniser cette compagnie professionnelle et ses emplois. L’absence de concertation de la part de la Fédération conduit à ce qu’elle semble même ignorer cet achat.
Restent deux questions que même des amis de Madame Milquet me confirment comme tout-à-fait pertinentes:
1° Est-il normal que Bruxelles (20% de la population francophone de la Fédération et siège des institutions culturelles fédérales) reçoive 66,8% des subventions pour 20 de ces 35 institutions théâtrales conventionnées ?
2° Est-il admissible que les douze membres du Conseil de l’Art dramatique, majoritairement Bruxellois, se déplaçant rarement et peu soucieux de comparer bilans et obligations conventionnelles, puissent conseiller l’octroi de subventions alors que la plupart d’entre eux sont liés à des institutions qui reçoivent ces subsides publics?
Il me reste à dire quelques mots au sujet des deux derniers spectacles auxquels j’ai assisté dimanche soir : Les lois fondamentales de la stupidité humaine qu’elles s’appliquent aux crétins, aux bandits ou aux gens intelligents ne m’ont guère fait rire.
Par contre j’ai beaucoup aimé la magistrale production de l ‘Atelier Théâtre Jean Vilar de Louvain-la-Neuve: « : La famiglia dell’antiquario du grand Carlo Goldoni qui sut tourner le dos aux bouffoneries de la comedia dell’arte et peindre en italien comme en français les moeurs de Venise puis de Paris. Les onze comédiens sont excellents sous la conduite du couple formé par le toujours magistral Alexandre von Sivers, l’antiquaire Anselme, et par sa femme Isabelle, la très expressive Cécile Van Snick qui préfère la recherche de la qualité artistique plutôt que les affrontements politiques. Par contre je conteste le choix imposé par Madame Daniela Bisconti qui enseigne l’art dramatique au Conservatoire Royal de Bruxelles : postposer de deux siècles cette comédie de Goldoni dont la langue (même adaptée par la metteur en scène) n’est pas celle du XXème mais bien du XVIIIème siècle. Servir humblement de grands textes plutôt que s’en servir pour se faire valoir, me semble devoir rester une règle. L’imagination n’a rien d’inutile quand elle reste crédible. Ce qui n’est pas le cas quand on place des personnages de 1750 en 1950. Alexandre Dumas romance Louis XIII mais ne le fait pas mourir sous les murs de Maastricht contrairement à Patrick Roegiers qui a essayé lors d’une lecture à Spa de justifier son choix de tuer Christian Simenon sur le front de l’est chez les SS wallons de Degrelle et non plus tard en Indochine dans les rangs d’ailleurs non dépourvus de nazis de la Légion étrangère française où son frère Georges s’en était débarrassé