La Révolution liégeoise éclate le 18 août 1789. L’agitation patriote est à son comble. La veille, outre qu’un des bourgmestres a voulu interdire le port des cocardes jaune et rouge (Liège) ou verte et blanche (Franchimont), Nicolas Bassenge a adressé une Note aux citoyens qui demande l’abrogation du règlement de 1684 du Prince-Evêque Maximilien-Henri de Bavière. Celui-ci en modifiant le système électoral, a confisqué le pouvoir au bénéfice du Prince-Evêque, des chanoines de la Cathédrale Saint-Lambert et de l’aristocratie.
Dans la matinée du mardi 18 août, les patriotes se rendent à la Violette, déposent les deux bourgmestres – Philippe-François de Ghaye et Léopold-Albert de Villenfagne de Sorinne – élus pour l’année. Le peuple crie les noms de leurs successeurs : Chestret et Fabry. Sitôt dit, sitôt fait. Un cortège se rend à Seraing, résidence d’été des Princes-Evêques, afin de ramener Constantin-François de Hoensbroeck en son Palais de Liège. Il doit reconnaitre les nouveaux édiles Jacques-Joseph Fabry et Jean-Remy de Chestret et abolir le règlement de 1684. Bon prince (!), le prélat fait ce que les patriotes lui demandent. Il porte même la cocarde. Sans sang versé mais en sueur – il fait chaud le 18 août -, les Liégeois(e)s ont réussi leur Binamêye revolucion.
Dès qu’elle prend connaissance des faits, la Chambre de Wetzlar chargée de régler en dernier recours les différends entre les États et leurs sujets, se ravise. Elle qui, excédée par l’intransigeance de Hoensbreck, semble, depuis quelque temps, pencher en faveur des patriotes de la Principauté, rend le jeudi 27 août 1789 une sentence enjoignant aux princes directeurs du Cercle de Westphalie de prêter aide et assistance à l’évêque, de rétablir les choses telles qu’elles étaient avant le 18, enfin de poursuivre criminellement les auteurs de la sédition ! Coïncidence, ce jeudi matin se présente à l’abbaye Saint-Maximin à Trèves, un exilé politique, de Hoensbreck qui s’est enfui la veille, de nuit, de la Principauté.
Parmi les princes directeurs du Cercle de Westphalie figure en sa qualité de duc de Clèves, le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume. Il prend tout son temps avant d’envoyer des troupes à Liège. Au Pré Cornesse, à Polleur, sur proposition de Laurent-François Dethier, est adoptée, le mercredi 16 septembre 1789, une Déclaration des droits et du citoyen, davantage progressiste que celle adoptée à Paris, le 26 août. Les troupes prussiennes arrivent à Liège le 30 novembre pour une mission de médiation. Elles s’en retournent le 16 avril 1790 alors que des exactions se font jour depuis une semaine.
Les Prussiens partis, dès le lendemain, le samedi 17 avril, les patriotes proclament la déchéance de Hoensbroeck comme prince de Liége, suspendent le conseil privé et confisquent la mense épiscopale et par la suite, prennent d’autres mesures dont celle de détruire la cathédrale. Le lundi 26 avril, première exécution du Valeureux Liégeois. À la demande d’un des bourgmestres Lambert-Joseph de Donceel, sur un air populaire vieux de plus d’un demi-siècle, sur la marche nationale, le curé de Glons, Joseph Ramoux a écrit le refrain et deux strophes. L’une rend hommage à Jean-Remy de Chestret : Que peut craindre notre ardeur? / Sous Chestret nous portons les armes: / À côté de ce vainqueur / Le péril a des charmes. Les Liégeois(e)s ont leur hymne national.
Le mercredi 12 janvier 1791, les troupes autrichiennes s’emparent de Liège, les patriotes prennent la route de l’exil, de préférence vers le sud. Sous protection des baïonnettes autrichiennes, Hoensbroeck retrouve son Palais. L’Édit fondamental du 10 août lui donne libre interprétation de la constitution. Il ferme, le 25 février 1792, la Société libre d’Émulation. Le tyran de Seraing décède le 4 juin 1792. Son successeur François-Antoine de Méan, est choisi le 16 août.
Engagées dans la lutte contre le roi de Bohème et de Hongrie, les troupes françaises du général Dumouriez remportent la bataille de Jemappes. Elles poursuivent leur chemin vers Liège d’où le Prince-Évêque Méan s’enfuit la veille de leur arrivée, le mercredi 28 novembre 1792. Les patriotes sont de retour. Ils organisent, au suffrage universel masculin, des votes prônant la réunion à la France de la Principauté de Liège. Une majorité écrasante des électeurs se prononce en faveur du rattachement. Nicolas Bassenge présente un mémoire à la Convention nationale. Celle-ci proclame la réunion du Pays de Liège à la République française, le vendredi 3 mai 1793. Belle proclamation vaine car entretemps, le 18 mars 1793 à Neerwinden, le prince de Saxe-Cobourg a vaincu Dumouriez et celui-ci a trahi son pays.
Les Liégeois(e)s sont de nouveau sous joug autrichien et sous l’Ancien Régime. Les troupes autrichiennes plient bagage devant l’armée Sambre-et-Meuse dirigée par Jourdan. Celle-ci, après avoir remporté la bataille de Fleurus, fin juin 1794, force les Autrichiens, démolisseurs du quartier d’Amercoeur, à quitter Liège. Les Français remportent la bataille de Sprimont, à la mi-septembre 1794. Une victoire écrasante dont Gillet, représentant du Comité de Salut Public , écrit, après avoir évoqué le nombre de canons, de drapeaux ou de prisonniers capturés sans compter ceux qu’on ramasse tous les jours dans les bois (…) plus cinq drapeaux au lieu de trois. Vous voyez que nous sommes bien éloignés d’exagérer nos succès. Salut et fraternité.
Les Liégeois(e)s s’imaginent être, aussitôt, réuni(e)s à la France, en application de la décision du 3 mai 1793 de la Convention nationale. Ils connaissent en fait un régime d’occupation. Ainsi dans le Recueil des actes du comité de salut public, à la date du 1er Vendémiaire An III (22/9/1794) : Le Comité de salut public voulant encourager la fabrication d’armes de toutes espèces à Liège, et la faire tourner entièrement au profit de la République -1) il sera établi à Liège (…) une Agence de vérification, réception et paiement des fusils, autres armes et parties d’armes -2) tous les fabricants d’armes seront tenus de porter le produit de leur fabrication à cette Agence. L’industrie armurière liégeoise est pratiquement nationalisée. Autre fait marquant de ce régime d’occupation. Parmi les patriotes revenus à Liège, le peintre Léonard Defrance qui, par ses courriers aux délégués du Comité de salut public de Paris, entreprend de faire l’inventaire des œuvres d’art se trouvant dans les églises et établissements religieux. De belles proies offertes à l’occupant. La Biographie Nationale, publiée, en 1883, par l’Académie royale de Belgique n’est pas tendre pour Defrance : c’est par millions que peuvent se chiffrer les pertes résultant des spoliations effectuées, alors, par nos ennemis.
Ce régime d’occupation a eu une fin, le 1er octobre 1795 lorsque la France décide l’annexion de la future Belgique. L’ancienne Principauté de Liège est divisée en 3 départements. Liège est le chef-lieu du département de l’Ourthe. Liège est française … ! Un moment de notre histoire à découvrir (1).
(1) Exposition Liège au temps de la France (1795-1814) – ARCHÉOFORUM Place Saint-Lambert Liège – jusqu’au 3 octobre 2015 – du mardi au samedi de 10h à 17h – 6€ (adultes), 5€ (seniors, étudiants), entrée de l’Archéoforum comprise – Renseignements et réservations : 04/250.93.70 infoarcheo@idpw.be