Si l’avènement de Charlemagne a laissé entrevoir un IXème siècle radieux dans nos régions, rapidement la population a déchanté. Les invasions normandes et hongroises ont amené les habitants de Harzé à se protéger en édifiant une maison forte sur un piton rocheux. L’histoire n’a pas retenu le nom du seigneur à la base du projet mais des historiens (1) se passionnent pour ce territoire.
Enclavé dans la principauté de Stavelot-Malmedy, le pays de Harzé fait partie du comté devenu duché de Luxembourg qui ne sera Grand-Duché que réduit à son format actuel. La guerre de Trente ans (1618-1648) qui divise l’Europe, pire la déchire, et oppose initialement catholiques et protestants, puis États à États, joue un grand rôle dans l’érection du Château de Harzé.
Dès le début du conflit, tout comme nombre de Wallons dont Ernest de Suys, le seigneur de Harzé Albert de Ligne s’est engagé dans les troupes catholiques sous commandement de Jean ‘tSerclaes en soutien de Ferdinand II. Tous bataillent tant et plus, ils sont à la Montagne blanche et en bien d’autres lieux. Ernest de Suys prend du galon au point de devenir général d’artillerie en tête de l’arsenal impérial. En avril 1629, l’empereur Ferdinand II de Habsbourg le nomme baron de Tourabel.
Un mois plus tard, Albert de Ligne vend la seigneurie de Harzé à Ernest de Suys, baron de Tourabel. Ce guerrier est aussi un entrepreneur et homme de goût. Il tient la première de ces vertus de son aïeul savoyard Guido Suisse qui, le premier édifie aux Pays-Bas des digues en plantant des pieux à l’aide de maillets et la seconde de son grand-père Jacques – Jacobus Susius – humaniste, poète latin, ami de Juste-Lipse. Ernest de Suys entreprend de remplacer la maison forte par un château dans un style de Renaissance mosane, classé, en 1965, monument historique par la Commission royale des Monuments et sites.
Le blason inspiré des ouvrages de l’aïeul figure sur les murs du château et la devise familiale imaginée par le grand-père Portat constantia palmam se retrouve sur un tableau représentant le comte Ernest de Suys. Car la constance à guerroyer de celui-ci lui mérite ce titre de comte du saint empire romain germanique attribué par l’empereur Ferdinand III de Habsbourg, le lundi 11 avril 1639. Tandis que le guerrier se déploie sur les champs de bataille, sa maman Georgine de Lynden veille à l’édification du château de Harzé. Château où le comte séjourne peu, il est toujours en guerre ! Il y trouve la mort le jeudi 3 août 1645 à Nördlingen où les troupes françaises emmenées par Condé et Turenne infligent la défaite aux troupes impériales. Le corps du comte est ramené de Souabe à Stavelot où Ernest de Suys a souhaité être inhumé.
Depuis 1973, la Province de Liège a acquis le château de Harzé et ses dépendances. Elle en a confié la gestion à une ASBL DTLV qui regroupe les Domaines touristiques du Vallon de la Lembrée. Des dépendances, DTLV en a fait le Musée de la meunerie et de la boulangerie (2) et du Château, un lieu luxueux de séminaires résidentiels (3). Une partie de caves voutées abrite un restaurant La Ptite Auberge (4) qui dispose d’une splendide terrasse.
La P’tite Auberge est une halte le dimanche à l’heure du goûter pour les promeneur(e)s de ce beau pays de Harzé célébré par le poète Lucien Radoux. C’est Harzé la jolie au fil de ses virages / Qui gerbe la culture en prisme de mirage / C’est pavillonchamps et ses versants de clarté / Où le bonheur s’égaille en reflets d’aparté / C’est Fy la solitaire à l’abri de ses chênes / Qui sourit toute seule en silence et sans gêne / C’est Priestet la sainte assise au mamelon / Qui domine partout les ombres des vallons.
(1) Citons notamment le docteur Louis Thiry (Histoire de l’ancienne seigneurie et commune d’Aiwaille et de la région d’Ourthe-Amblève), Amédée Pollet (HARZE dans le passé ou mille ans d’histoire), Pierre Ninane (Harzé, mon village – http://harze.e-monsite.com)
(2) De mai à octobre, dimanche et jours fériés 14-18h. Ajout du samedi, en juillet et août, ouvert 13-18h et démonstration par des artisans.
(3) info@chateau-harze.be – Tél. 32 (0)4 246 63 63
(4) La P’tite Auberge – Tél: 00 32 (0)4 246 63 53 – Restaurant du mercredi midi au dimanche soir (sauf samedi midi).