La chronique de Marcatchou : « COMPLETEMENT MARTEAU ».

         Complétement Marteau

        Les cours et impasses qui font le charme de nos vieux quartiers et l’enchantement des visiteurs,  ont toujours agacé prodigieusement la plupart des urbanistes et leurs sbires, leveurs de plans, tireurs au cordeau. Je ne puis m’empêcher de mettre en parallèle la pensée unique et les artères rectilignes des lotissements d’aujourd’hui.

        J’avoue regarder les défilés militaires des 14 et 21 juillet, mais « l’ennui naquit un jour de l’uniforme ôté » : je décroche  dès avant le passage du charroi. A  choisir, je préfère les méandres et entrelacs des cramignons rouges, bleus.

        J’ai déjà évoqué dans Vlan Liège l’affaire de la rue Derrière–les-Potiers, en Outremeuse, quand peu avant les années ‘30’, on assassinait  pardon ! on assainissait en les condamnant à la démolition plus de 120 maisons, 10 ou 12 venelles et impasses soit 203 ménages, 578 braves gens d’amon-nos-ôtes, déportés à Naniot,  avec croix et potales.  La rue Grande-Béche, elle aussi, a payé un lourd tribut à l’assainissement ou à la gourmandise de certains. Manquent à l’appel : l’impasse Degueldre, plus connue autrefois sous son appellation populaire de « Trô Noquète » que je garde bien de traduire, « èl Vèssèye », l’impasse de la vessie, « le trô Soyeû », la cour Thonnard  et la fameuse impasse de la Porte-de-l’Enfer dont l’entrée était surmonté d’une potale. On n’est jamais assez prudent ! Il nous reste, outre l’entrée des artistes du Trianon-Pavillon-de-Flore et les colombages de la Taverne Tchantchès, le trou Marteau, rare vestige du Djus-dl’à champêtre.

        Ce trou Marteau qui doit son nom à une enseigne aujourd’hui disparue se croyait à l’abri derrière une façade assez commune de la fin du XIXe siècle. Quand la porte du n° 105-109 s’ouvre sur un corridor propre et net, on croit remonter dans le temps. Deux ou trois maisonnettes blanchies à la chaux se serrent non loin d’un superbe christ du XVIIIe siècle. Surprise et attendrissement, on découvre encore un potager et les frondaisons du jardin nature du voisin.  Discret, un édicule utilitaire avec un cœur ajouré sur sa porte ajoute encore au charme des lieux. René Hénoumont, notre prince des conteurs, a laissé sur ce genre de « cabinet de toilette » des pages d’anthologie… Bref, un petit coin de paradis pour des locataires aux revenus modestes, vivant heureux et quasi-cachés.

        Qui peut en vouloir au trou Marteau ? Un quidam qui loua durant peu de temps, les quelques mètres carrés douillets que compte une de ces maisonnettes. Il y résida peu ou prou, ne cherchant que les services d’une boîte aux lettres. Ce malotru de passage eut l’inélégance de dénoncer ce qui fut son domicile fictif au Centre régional du logement, un service de la Région Wallonne qui s’ébranle à chaque délation, « en application du décret du 29 octobre 1998, instituant le code du logement, et de l’arrêté du gouvernement  et gnagna et gnagna… »

        L’enquêteur de la Région wallonne appréciera-il ce cocon pittoresque qui fait le bonheur de celle qui y vit en paix, loin des bruits de la rue ? S’en tiendra-t-il à des critères technobureaucratiques – ce qui serait complétement marteau ?

        Je vous tiendrai au courant puisque cette oasis du XVIIIe siècle dispose tout de même de l’électricité, sans parler de l’eau, du gaz, d’un coin douche et du chauffage central.  Un taudis, quoi !

         MARCATCHOU