Au 55ème Festival Royal de Théâtre de Spa
DE DIDEROT AU REALISME SOCIAL ANGLAIS
deux pièces d’auteurs français contemporains : Jean-Marc Chotteau ainsi que Clément Koch.
A Spa, au Festival Royal de Théâtre, la responsable de l’accueil du public (qui, notons-le, remplit des salles combles) ne se contente plus de nous demander d’éteindre nos téléphones portables.
Sans texte mais très clairement, elle nous apprend que la direction du Festival l’a chargée de répéter que « le Festival est en sursis ».
Pas question d’hypothéquer la qualité mais il a fallu dès lors diminuer, faute de moyens suffisants, la durée du Festival, le nombre de spectacles et celui des représentations, des animations, des formations . . .
Poursuivre dans la voie des restrictions n’est plus possible : cela a une fin.
Mais la direction voit apparaître un espoir dans la composition du Gouvernement de la Fédération Wallonie Bruxelles, non pas du fait des formations politiques ou des personnes qui en font partie mais bien parce que pour la première fois une Ministre est chargée à
la fois de l’Enseignement et de la Culture.
L’espoir réside dans la mise en valeur de l’une par l’autre.
Je partage cet espoir mais je reste sceptique : les budgets additionnés ne vont pas augmenter au contraire et le boom démographique d’origine d’abord musulmane concerne certaines des dix-neuf communes bruxelloises mais très peu la Wallonie dont les
contribuables participent aux refinancements bruxellois.
En outre, la grosse administration de l’enseignement engluée dans les concurrences entre réseaux (qui devraient devenir d’un autre âge) et la maigre administration de la culture ne vont pas être fusionnées mais jalouses de leurs autonomies, risquent de continuer à se mépriser réciproquement.
J’aimerais être démenti par les faits mais je crois que si l’on ne fait pas de nouveaux choix budgétaires comme supprimer les subventions à ce que la Fédération Wallonie Bruxelles n’a pas vocation d’impulser (comme le Kunstenfestival) et cela afin d’avoir les moyens modestes de renégocier des contrats-programmes là où ils ont été laissés en déshérence (Festival Royal de Théâtre de Spa), le sursis se muera en condamnation ferme et définitive, les délais d’appel étant largement dépassés pour remettre en cause
l’autorité de la chose jugée.
Puisse Mme Milquet ne pas poursuivre une voie bruxelloise sans issue et souhaitons en outre qu’à Louvain la Neuve, davantage de coopérations soient recherchées ailleurs en Wallonie et d’abord à Liège, métropole d’un pays dont Spa fait partie.
Ayant ainsi prolongé le propos répété au public à l’accueil de chaque représentation, j’évoquerai brièvement les deux spectacles vus ce dimanche.
– o –
Jean-Marc Chotteau directeur d’un centre transfrontalier de création théâtrale implanté à Tourcoing et Mouscron, a écrit, mis en scène et joue avec Eric Leblanc une pièce librement inspirée du « Paradoxe sur le comédien » de l’encyclopédiste Denis Diderot
selon qui un bon comédien ne peut pas être sensible.
Eric Leblanc incarne Alceste le misanthrope de Molière et s’oppose à Jean-Marc Chotteau qui s’est réservé le rôle d’un professeur qui aurait voulu défendre le point de vue de Diderot.
C’est bien joué par de bons professionnels, c’est souvent drôle mais n’est-ce pas un peu vain et plus anachronique que contemporain ?
– o –
Le Lorrain Clément Koch qui travailla dans l’industrie automobile à Newcastle a écrit une pièce à laquelle il a donné comme titre le nom d’un port anglais sur le mer du Nord : Sunderland (nom qui littéralement signifie pays disjoint, coupé en deux).
Il nous expose, dans un style réaliste, un drame social où suicide, handicap, chômage, pauvreté, téléphone rose, mère porteuse, couple homosexuel, assistante sociale déformée à la sauce de Mrs the Baroness Margaret Thatcher of Kesteven forment un cocktail qui n’est dénué ni d’humanité, ni même d’humour.
Mis en scène par Alexis Goslain, les huit comédiennes et comédiens (cités par le programme sans mention des personnages qui correspondent à chacune et chacun d’elles et d’eux ) réalisent une performance cohérente d’excellente qualité, Sally et Ruby
étant incarnées par des actrices aux talents particulièrement remarquables.
Ce spectacle décrit une crise bien réelle, celle d’un capitalisme sans garde fou mais ne laisse entrevoir aucune alternative collective, seule la solidarité interpersonnelle réduisant quelque peu le caractère désespérant des situations exposées.
Un spectacle intéressant mais pas pour tous les soirs . . .
Jean-Marie ROBERTI