Je propose à Chuang Mu une invitation à dîner pour la remercier de nous avoir pris en charge. Elle accepte tout en précisant qu’elle doit rentrer dans le cocon familial avant minuit. Après un agréable repas, je lui suggère de terminer la soirée avec un thé vert sur la terrasse de ma chambre. C’est l’occasion pour moi d’être à l’écoute de sa vie d’étudiante sur l’un des quatre campus de l’Université San Carlos, un établissement créé par les jésuites espagnols. Après la deuxième guerre mondiale, cette Université s’inspire des modèles américains et offre donc des diplômes valables en Asie et dans tous les pays anglo-saxons. Chuang Mu souhaite étudier la langue française lorsqu’elle terminera ses études universitaires car elle a toujours éprouvé une fascination pour la France et surtout Paris cette ville mythique.
Le contact corporel reste toujours mystérieux. Est-ce un aboutissement ou un commencement ? Le plaisir de deux corps qui s’enchevêtrent, s’enlacent, se caressent, s’apprivoisent, mène à une plénitude éphémère. En caressant les seins, petites pommes à la fois dures et tendres de Chuang Mu, je découvre une petite boule dure qui m’inquiète.
Le passé retrouve le petit garçon de dix ans avec sa mère atteinte d’une tumeur au sein gauche. L’inquiétude est totale et mon père tente de me rassurer en expliquant la différence entre tumeur maligne et bénigne. Ma mère a échappé au pire car la tumeur n’était pas cancéreuse. Ce moment douloureux de l’enfance, je le revis à dix mille kilomètre de distance avec une jeune femme pleine de vie.
Je me permets de l’interroger sur cette tumeur. Elle n’ignore pas cette petite proéminence. Elle se méfie de cette excroissance mais indique qu’elle n’a pas les moyens de se faire opérer. Cette situation n’est pas tolérable. Je prends ses coordonnées et lui promet d’envoyer la somme nécessaire à l’opération dès mon retour en Europe. Un faible sourire éclaire son visage. Elle me signifie qu’il est temps de me quitter pour rejoindre son domicile.
Me retrouvant seul le vague à l’âme m’envahit. Je suis trop triste pour en parler à mon ami Bogdan mais décidé à agir. Lors de mon retour en Europe, une lettre m’attend avec la somme à envoyer pour l’opération. J’opère un transfert bancaire. Six mois après cet envoi, je reçois une enveloppe de Cebu. Sur une carte postale du Temple taoïste, ma déesse chinoise des plaisirs a écrit en français : ‘‘ Tout est OK, Merci, Thanks,谢谢 „
FIN DU RÉCIT « CEBU : MAGELLAN, LAO TSEU ET CHUANG MU » – © Auteur ; ROBERT LOMBAERTS