La comparaison s’arrête là. Le roman est dense, complexe avec différents niveaux de lecture. Le film est une œuvre baroque aux images puissantes; à la bande sonore somptueuse. Un opéra dantesque, nauséabond, hallucinant.
La différence entre la production littéraire et cinématographique se situe dans l’écriture subtile et raffinée d’un romancier de talent et le spectacle grandiose, effrayant parfaitement fabriqué suivant les normes hollywoodiennes par un réalisateur tourmenté, à l’égo démesuré encore plus mégalomane que son cinéma.
Notre guide Enrique nous a confié au chauffeur et nous sommes partis à la fin de la nuit pour pouvoir embarquer aux premières lueurs de l’aube. Arrivés à l’embarcadère après plus d’une heure de route, Bogdan fait montre de tous ses talents de négociateur pour obtenir un prix correct pour le voyage en pirogue. Francis Ford Coppola est passé par là. Le dollar domine et le batelier, Adriano, s’imagine que nous avons des moyens financiers illimités. Normal car j’ai dans les mains une caméra professionnelle dont l’aspect ne lui est pas inconnu. En discutant nous apprenons qu’Adriano a fait de la figuration dans la séquence tournée à Pagsanjan.
Il nous raconte que les Américains avaient de curieux comportements. Ils ne lésinaient ni sur l’alcool, ni sur la drogue; de nombreux techniciens étaient malades, atteints par la fièvre ou la dépression. L’atmosphère était sinistre.
Il se souvient que le comédien principal qui jouait le rôle de Kurtz (Marlon Brando), la boule à zéro, une vraie tête de bagnard, s’identifiait à son personnage au point de dormir dans une barge et de fréquenter davantage les figurantes philippines que l’équipe de réalisation.
( à suivre )