Ces explications effrayantes ne lui suffisent pas. Elle met un doigt devant la bouche en nous demandant de rester silencieux. Elle s’est arrangée pour que nous restions seuls avec elle. Enrique nous attend à l’extérieur avec le chauffeur. Sœur Basile arrive avec une boite dont elle ouvre le couvercle. Elle en sort deux têtes réduites. Elle nous explique qu’il s’agit de soldats japonais, qui, pendant l’occupation du territoire, ont massacré pas mal d’Ifugaos. C’est là que le personnage devient atypique en nous disant : “Ils n’ont que ce qu’ils ont mérité ‘‘ avec un large sourire et un clin d’œil complice.
Abasourdis nous avons quelques difficultés à retrouver une certaine contenance en dégustant un excellent café qui passe difficilement. Sœur Basile, n’oublie pas son pays d’origine, cette terre de Flandre qui l’a vu naître. Elle nous interroge sur la Belgique et sur Anvers cette métropole qu’elle affectionne.Elle manifeste son soutien à sa langue et à sa culture d’origine; ce que je peux parfaitement comprendre ayant moi-même des origines‘‘ flamandos-italiennes ‘‘et Bogdan, ayant vécu toute sa jeunesse à Gand. Sœur Basile nous montre son trésor : des œuvres d’Henrik Conscience, cet écrivain né à Besançon, établi à Anvers qui a décidé d’écrire dans une langue méprisée par les francophones.
Elle exhibe avec fierté ‚‘‘de Minnezanger‘‘, ‘‘Siska Van Roosemael ‘‘et‘‘ de Leuw van Vlaandereren‘‘. Protégés dans des sacs plastiques, emballés dans du papier journal qui a laissé des traces sur les couvertures: ces livres constituent pour elle un lien avec ses racines. Elle tente en vain de nous faire parler des querelles linguistiques et l’on perçoit les liens très forts qui l’attachent toujours à sa région. Nous n’avions pas envie de polémiquer sur l’attitude actuelle de nos compatriotes flamands et sur les menaces de division du pays. Ce n’était ni le lieu, ni le moment.
Nous donc avons dévié la conversation sur la vie à Bontoc et avons accepté avec joie de répondre favorablement à sa requête: -‘‘Beste vrienden is het mogelijk voor uw éen keer per maand ‚‘‘ De Standaard ‘‘ te zenden „? Chers amis est-il possible de m’envoyer une fois par mois un exemplaire du journal ‘‘De Standaard“? Cela fut fait pendant quelques mois mais nous n’avons jamais su si le journal était arrivé dans les montagnes du Nord.
FIN DU RÉCIT « LES IFUAGOS ET L’ANVERSOISE » – © Auteur ; ROBERT LOMBAERTS