Au détour d’un virage notre chauffeur ralentit. Six hommes armés de lances nous barrent la route. Ils sont habillés de costumes traditionnels et de chapeaux à plumes où le rouge domine. Des Ifugaos, des coupeurs de tête. Les pensées se bousculent dans l’imaginaire et les films consacrés aux tribus amazoniennes se mélangent à cette réalité de guerriers devenus paisibles qui préservent leurs traditions. Après les salutations d’usage et les remerciements protocolaires, nous échangeons des objets courants mais utiles : torches électriques, kits d’écriture. Le chef de la tribu m’offre son propre poignard, un cadeau inestimable.
Il nous fait visiter son habitat traditionnel de grandes maisons en bois sur pilotis dont je retrouverai le type d‘architecture dans d’autres voyages, notamment chez les Thais blancs à May Tchau au Vietnam. Ces vastes espaces qui peuvent atteindre près de deux cents mètres carrés offrent un refuge pour les animaux domestiques sous les pilotis. L’étage composé d’une pièce unique sert de salon, de cuisine, de chambre à coucher, d’atelier de couture. Sous les toits se situe le grenier, garde-manger familial.
Cette visite est suivie d’une cérémonie de chants et de danses en notre honneur ‘‘le Hudhud‘‘. Cette cérémonie évoque les croyances et les exploits des guerriers. La symbolique de leur saga indique que si les hommes se combattent, ils apprennent à se connaître, à se respecter, finissent par baisser les armes et sceller des alliances. Par l’intermédiaire d’Enrique, le chef de tribu a compris la nécessité de réduire la durée des chants et des danses accompagnées de percussions en bois; d’autant plus que je souhaitais réaliser deux prises de vues, l’une en plan général, l’autre avec une caméra proche des protagonistes. Ils devaient donc exécuter deux fois les mêmes mouvements. Leur rigueur et le bonheur de se donner en spectacle allaient nous offrir la meilleure séquence du film.
( à suivre )