Meuse aux mœurs bien légères …

        Le changement de la frontière entre les Royaumes des Pays-Bas et la Belgique ampute la Wallonie de 14 ha. Mais cette atteinte à l’intégrité du territoire – Je jure d’observer la Constitution et les lois du peuple belge, de maintenir l’indépendance nationale et l’intégrité du territoire – n’a guère ému nos concitoyens, ni leur presse, ni  les classes dirigeantes, bref personne… Les diables rouges passionnent davantage.

       Toutefois, cette semaine, un journal libanais L’Orient-Le Jour sous le titre Les fleuves aussi bougent a consacré un long article rédigé par l’une de de ses meilleures plumes, Christian Merville. Celui-ci reconnaît que l’information a été jugée anodine par ses consœurs et confrères qui l’ont donc ignorée. Bien que l’histoire a connu des incidents plutôt bénins qui ont servi d’étincelle à des boucheries. Christian Merville s’émerveille qu’aujourd’hui, pour peu que l’on suive l’exemple du plat pays et du pays des canaux (et des tulipes !), il suffit d’en appeler à des géographes pour désamorcer une crise naissante.

       Vivant au Moyen-Orient, Christian Merville ajoute réflexion faite, peut-être bien que l’affaire belgo-néerlandaise ne méritait-elle pas quelques lignes en bas d’une page intérieure s’agissant de deux États appartenant à une espèce en voie d’extinction qui a dépassé depuis longtemps le stade des expéditions guerrières pour un lopin de terre. Au XXIe siècle, on ne brandit plus la menace de l’apocalypse, qu’elle soit nucléaire, chimique ou informatique. Du moins en des contrées situées sur une autre planète, car plus près de nous, on commence par recourir aux armes avant que de parlementer, sans doute pour rester dans le ton Far West (« shoot first »). Et de citer quantité de conflits en cours dans cet Orient que l’on dit Moyen.

       Après avoir évoqué Pascal dont il rappelle l’ironique pensée Plaisante justice qu’une rivière borne! Christian Merville de conclure ce qui nous ramène à cette Meuse aux mœurs bien légères, qui change de lit sans crainte du qu’en-dira-t-on. Le mot de la fin, il appartient au bourgmestre de la commune concernée (les fameux 14 hectares) qui a dit : « À notre époque, si on veut se promener de l’autre côté de la frontière, il n’y a aucun obstacle. » Les refaiseurs de cartes géographiques feraient bien d’en tenir compte.