La fin du Festival royal de Théâtre à Spa

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Titre ambigu ?

Sans aucun doute.

Nous avions l’intention d’aborder les trois  spectacles que nous avons vus avant la clôture du « 54e Festival royal de théâtre SPA 2013 ».

       Nous en dirons certes quelques mots mais il nous semble plus important d’évoquer les suites qu’a eues –  le mardi matin 20 Août à 11 heures lors de la traditionnelle  réunion avec le public – l’avertissement donné dans la brochure de présentation du programme où Armand Delcampe écrivait à propos du Festival « Royal, certes … Mais menacé sûrement ».

      En effet si, comme d’habitude, les spectateurs ont  surtout donné des appréciations subjectives souvent positives à l’égard des « 46 représentations  de 19 spectacles dont 6 créations à Spa, en 12 jours et en 6 lieux par 19 compagnies » comme le souligna la directrice Cécile Van Snick, par contre, les perspectives évoquées au fond de la salle n’avaient rien de réjouissant. 

      Je n’ai pas eu la cruauté d’ouvrir le livre de Philippe Tirard de « La Libre Belgique » sur les 50 ans du Festival en demandant de comparer les chiffres de 2013 avec ceux de l’arrivée à la direction d’un quatuor dont la personne la plus inattendue était en 1999 Cécile Van Snick :  18.000 spectateurs aux 120 représentations de 45 titres par 35 compagnies en 18 jours. Je n’évoquerai pas davantage la « Guinguette » haut lieu des animations de cabaret-théâtre,  ni même ce bar de la presse, lieu d’accueil à la mi-journée par Jacques De Decker, des comédiens et metteurs en scène. Philippe Tirard précise que les « quinzaines théâtrales spadoises » normales attiraient 15 à 18.000 spectateurs. Je me suis de même tu lorsqu’il fut fait état de plus de 90% de taux d’occupation, plus de cent artistes jouant pour 10.000 spectateurs.  Mais j’ai été choqué d’entendre que le théâtre de rue abandonné cette année fera l’objet d’un effort en vue de son rétablissement : c’est dire  le contraire de ce qui est lorsqu’une nouvelle diminution d’une journée de la durée du Festival est prévue en août 2014 (du 5 au 15, juste au moment-où sera commémoré le centenaire de l’invasion du Royaume)

      Entourée du Bourgmestre Joseph Houssa qui a conservé comme compétence la culture (ce qui explique l’intérêt qu’il a rappelé à l’égard du Festival automnal de musique classique et de la saison du Centre culturel spadois) et de Véronique Leroy, chargée toute l’année de l’administration  du Festival de Spa qui quitte l’équipe afin de rejoindre Jean-Louis Collinet au Festival de Liège tandis que l’attachée de presse Sophie Liégeois s’oriente elle vers les « Territoires de la Mémoire » implantés en Cité ardente »), Cécile Van Snick animait cet entretien avec le public.

     Du fond de la salle, ce ne fut pas la voix de l’optimisme qui s’exprima  mais celle réaliste d’Armand Delcampe. Il ne fut démenti par personne quand il déclara que les moyens financiers de la Fédération Wallonie-Bruxelles ne seront ni à court ni à moyen termes augmentés. Le contrat-programme du Festival spadois ayant été laissé en déshérence, ce n’est actuellement que par des modifications au sein même des articles budgétaires  qu’il sera possible de sauver les meubles sans continuer à voir les potentialités se réduire inexorablement  comme peau de chagrin.

     Ce n’est pas parce qu’à l’époque où Guy Verhofstadt  était Premier Ministre, celui-ci obtint que Louis Michel intervienne avec succès au niveau de la Communauté française afin de contribuer au financement de l’opération flamande à Bruxelles de Madame Frie Leysen  consistant à présenter à l’élite européenne  un « KunstenFestivaldesArts » qu’en outre, l’Union européenne subventionne à présent largement , que nous devons admettre que ce KunstenFestival  obtienne en 2013 près de trois fois la contribution de cette Fédération Wallonie-Bruxelles au Festival Royal de Spa. 

Que faire pour tenter de modifier cet état de choses ?

      En démocratie, une majorité parlementaire est nécessaire mais rendue très malaisée à réunir si elle est alternative par rapport à la discipline des partis. Le Parlement de la Fédération  Wallonie- Bruxelles se compose  de 75 Parlementaires wallons  (dont jusqu’en mai 2014, 29 socialistes, 19 libéraux, 14 écolos et 13 démocrates humanistes) et de 19 Parlementaires francophones bruxellois soit au total   94 députés  (majorité  = 48).               

      Vous me rappellerez  justement qu’AUCUN de ces Parlementaires en fonction n’a été vu à ce Festival de Spa.  D’où la nécessité, selon nous,  d’établir un dossier explicatif à adresser aux 75 Parlementaires wallons et une lettre ouverte de synthèse  qu’on pourrait demander de cosigner aux artistes  ayant participé au Festival ainsi qu’aux abonnés de celui-ci. Il pourrait être signalé aux Parlementaires concernés  que ceux qui s’engageraient positivement à l’égard du Festival seraient remerciés publiquement et dans un courrier aux abonnés avant les scrutins de mai prochain. 

      Seule une réaction politique est de nature à sauver le Festival d’une fin pénible au détriment de la qualité des programmes et du respect des travailleurs du secteur. 

Kunstenfestival ou Festival royal de théâtre SPA, que les parlementaires wallons choisissent.  La non indexation de contrats programmes  est d’une hypocrisie sans nom : elle conduit à la mort lente dans l’indignité.

     Quant à écrire au sujet des trois derniers spectacles que nous avons vus,  qu’il nous suffise de féliciter chaleureusement un comédien français  exceptionnel Stéphane Hillel dans un « tour de piste » que Christian Giudicelli  a rédigé avec une intelligente acuité.  Par contre, il nous semble que l’excellente  Laure Godisiabois et Victor Scheffer auraient mieux fait d’établir une anthologie des meilleures chansons de ce qu’on appelait  la Belle époque plutôt que de s’en tenir au répertoire plutôt faiblard de celle qui fut oubliée sous le pseudonyme de Gaby Montbreuse. Enfin les grands comédiens et piliers spadois que sont Michel de Warzée et Jean-Claude Frison auraient pu physiquement inverser leurs rôles dans une pièce « Sentiments provisoires »  où l’humour doux-amer  de l’auteur Gérald Aubert ne m’a guère convaincu.

     Puisse le Festival royal de Théâtre de Spa ne pas s’acheminer en 2014  vers sa fin. Il appartient au Patrimoine immatériel de la Wallonie.

                                                 Jean-Marie ROBERTI

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En post-scriptum :

      Le Festival 2013 comportait heureusement aussi des stages, quatre d’expression théâtrale et un de pratique qu’Armand Delcampe animait avec le comédien français Pierre Trapet. Le co-directeur du Festival, comme le confirme le texte d’annonce de ce stage, participa aussi à une des six manifestations gratuites : quatre rencontres animées par Cécile Van Snick autour d’un des spectacles et deux lectures de pièces inédites dont celle de l’auteur progressiste wallon, Jean Louvet.

     Là non seulement Cécile Van Snick et Armand Delcampe se sont retrouvés (entourés de Marie-Line Lefebvre, Laurence Warin, Christian Dalimier, Frédéric Lepers). L’auteur demeura silencieux sauf dans le débat de clôture avec un public nombreux et réactif espérant sans doute, comme bien d’autres personnes de notre génération marquée par la grande Grève de l’hiver 1960-61, retrouver le souffle de luttes nécessaires.

      Mais c’est moins de luttes que d’aspirations parfois assez utopiques que nous
parle Louvet dans sa pièce intitulée « une soirée ordinaire », celle parmi d’autres où nous nous laissons récupérer par une société de consommation mondialisée. Sans doute  rejoint-il ainsi le propos de Bertold Brecht que les Baladins du Miroir ont actualisé à  Spa dans la Bonne Âme de Sé-Tchouan : il ne sert à rien de vouloir faire le bien dans une  société misérable : c’est elle qu’il faut changer.

      Louvet lui pose des questions plus qu’il ne formule d’affirmations. Que faire (disait déjà Lénine en titre d’un de ses pamphlets) contre notre récupération par cette société mondialisée de consommation ? La réponse n’est plus renversons-la et nous connaîtrons enfin des lendemains qui chantent. Dès lors, on ne peut que rêver : et si elle se détruisait elle-même ? Non, ne rêvons pas et s’il faut chanter, faisons-le avec le Louis Aragon d’ « Il n’y a pas d’amour heureux » : Rien n’est jamais acquis à l’homme Ni sa force / Ni sa faiblesse ni son cœur Et quand il croit / Ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix / Et quand il croit serrer son bonheur il le broie / Sa vie est un étrange et douloureux divorce.  JMR