… le 30 janvier 1933, une date à retenir !

          Il y quatre-vingt ans, le 30 janvier 1933, Adolf Hitler est nommé Chancelier par le Maréchal-Président  Paul von  Hindenburg dont le nom complet est Paul Ludwig Hans Anton von Beneckendorff und von Hindenburg. Les deux hommes ne s’apprécient guère. Lorsque, fort du résultat des élections du 31 juillet 1932 – les nazis disposent de 37 % des députés au sein du Reichstag – Adolf Hitler revendique le poste de Chancelier, von Hindenburg déclare Faire d’un caporal bohémien le chancelier du Reich, ce serait du propre ! Hitler le considère comme un vieux fou. Vieux, von Hindenburg l’est incontestablement, il est né le samedi 2 octobre 1847.

         Pourquoi un tel revirement en moins de six mois ? Il s’en est passé des choses en ces six mois. Le 6 novembre 1932, nouvelles élections. Le parti nazi perd des plumes, deux millions d’électeurs en moins par rapport au scrutin de  juillet. Mais avec ses 196 députés  – une perte de 34 sièges – les nazis demeurent la première formation politique allemande sans être au pouvoir.  Le poste de Chancelier étant attribué, en décembre 1932, au général  Kurt von Schleicher partisan d’un rapprochement avec les nazis s’ils n’existaient pas il aurait fallu les inventer.

        Son règne a été court car il a voulu obtenir du Maréchal-Président certaines possibilités de gouvernance notamment la mise en application de l’article 48 de la Constitution.  Cet article stipule : Si un Land ne remplit pas les devoirs qui lui incombent en vertu de la Constitution et des lois du Reich, le président du Reich peut l’y contraindre en utilisant la force. Le président du Reich peut, lorsque la sûreté et l’ordre public sont gravement troublés ou compromis au sein du Reich, prendre les mesures nécessaires à leur rétablissement ; en cas de besoin, il peut recourir à la force. A cette fin, il peut suspendre totalement ou partiellement l’exercice des droits fondamentaux garantis. Le 28 janvier 1933, le Chancelier Kurt von Schleicher présente sa démission au Maréchal-Président qui n’en est nullement marri. Quelques jours auparavant, en effet, il a demandé à l’ancien Chancelier Franz von Papen d’examiner l’éventualité de nommer Adolf  Hitler Chancelier. Ce qui est chose faite, le 30 janvier. Le Maréchal-Président accorde à celui-ci tout ce qu’il refusé à Kurt von Schleicher. La haine de von Schleicher à l’égard de von Papen est grande, c’est le genre de traître à côté de qui Judas Iscariote fait figure de saint !

        Promu Chancelier, Adolf  Hitler dissout le Reichstag, adresse à la nation un message via la radio, nous voulons rétablir l’union morale du peuple sur la base du christianisme, de la famille et du respect du passé. Le Maréchal-Président fixe la date des prochaines élections au 5 mars. La campagne électorale a été courte et brutale. Adolf Hitler entend occuper le terrain au maximum en restreignant l’expression de ses adversaires au premier rang desquels il range les communistes. Le parti socialiste, le SPD, est également dans la ligne de mire du Chancelier. Le quotidien du SPD, Vorwaerts, est interdit de paraître durant trois jours.

        Le programme électoral d’Hitler est simple : il promet aux paysans de les sortir de la misère et aux ouvriers, de leur donner du travail. Le tout, grâce à des plans quadriennaux. Les Sections d’Assaut et les Casques d’Acier dont le leader Franz Seldte est ministre du Travail, font régner la terreur et traquent l’abstentionnisme. Coup de théâtre, en fin de soirée du 27 février 1933, le Reichstag prend feu. Incendie criminel dont l’auteur ( ?), le communiste Marinus van der Lubbe affiche également des sympathies socialistes. Son procès devant la Cour supérieure de Leipzig s’ouvre le 21 septembre 1933. Sont également accusés le député Ernst Torgler, chef de groupe du parti communiste, et trois communistes bulgares Vassili Taneef , Blagoi Popoff et Georges Dimitrov. La Cour acquitte les co-accusés dont Dimitrov élu en 1935 secrétaire général du Komintern  et en 1946, premier ministre de la République  de  Bulgarie. La Cour condamne à mort van der Lubbe, exécuté le 10 janvier 34. Sa condamnation a été considérée illégale le 10 janvier 2008.

    

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                                       Bundesarchiv, Bild 146-1977-148-19A / unknown / CC-BY-SA 3.0

         Le 5 mars, la participation électorale est forte. Plus de 39 millions de citoyen(ne)s ont élu 647 parlementaires dont 288 nazis (+ 92), 120 socialistes (-1),  81 communistes (-19),  74 catholiques (+4). Le 21 mars – jour anniversaire de l’inauguration  du premier Reichstag par Otto von Bismarck  – Joseph Goebbels, ministre de la propagande et de l’instruction du peuple met en scène le réveil allemand à Postdam. Deux offices religieux au programme : l’un en l’église évangélique Saint-Nicolas où sont inhumés le roi-soldat, Frédéric-Guillaume 1er et son fils Frédéric le Grand tout deux rois de Prusse, l’autre en l’église de la Garnison. Le Maréchal-Président von Hindenburg est en grand uniforme de parade.

        Le 23 mars, Adolf Hitler obtient les pleins pouvoirs jusqu’au 1er avril 1937, le temps de mettre en application ses deux plans quadriennaux. Les 647 élus le 5 mars ne sont pas tous présents. Les communistes sont à l’ombre dans le premier camp de concentration ouvert à Dachau, le 21 mars. Des parlementaires socialistes sont absents pour la même raison. 535 députés participent au vote. 441 sont en faveur des pleins pouvoirs.

       En août 1932, à Fulda, tous les évêques allemands ont interdit à leurs fidèles d’adhérer au parti nazi. Interdiction d’adhérer mais liberté de vote. Une semaine après la déclaration gouvernementale d’Adolf Hitler, toujours à Fulda, les évêques tout en considérant incompatibles christianisme et nazisme, estiment toutefois que  les interdictions et mises en garde générales à l’égard du National-Socialisme n’avaient plus à être considérées comme nécessaires. Chambellan du Pape Pie XI, le vice-Chancelier Franz von Papen négocie depuis avril avec le cardinal Eugenio Pacelli, Secrétaire d’État un concordat signé le 8 juillet. Ce concordat a été tellement violé par les nazis que, devenu le pape Pie XII, Eugenio Pacelli ne confirme pas le titre de Chambellan. Le bon pape Jean XXIII se charge de rendre à von Papen ce poste de Chambellan.

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       L’accession d’Hitler au poste de Chancelier a provoqué un accroissement de l’exode des citoyens juifs de l’Allemagne. Auparavant, ceux-ci ont été la cible favorite des formations paramilitaires pro-hitlériennes. La solidarité des Juifs envers les exilés réfugiés notamment en Grande-Bretagne et aux États-Unis provoque l’ire d’Hitler. Considérant être victime, Adolf  Hitler déclare, le 30 mars, une guerre juive contre l’Allemagne devait atteindre nécessairement les Juifs d’Allemagne. Le boycott des magasins juifs est ordonné le samedi 1er avril. Pas un client allemand ne franchit le seuil d’un de ces commerces.

       Le 1er mai, manifestation de masse organisée par le régime. Dix colonnes de 100.000 ouvriers convergent vers Tempelhof. Le lendemain, dissolution des syndicats.  Déjà, le 7 avril, le parti communiste est interdit et voit tous ses biens saisis. Ce même 7 avril, est promulguée la loi sur la restauration de la fonction publique qui force à la démission des fonctionnaires et professeurs juifs.

       Le 10 mai, à l’issue d’un autodafé organisé par les étudiants nazis présidé à Berlin par Herbert Gutjahr, Joseph Goebbels se réjouit ; l’ère de l’intellectualisme judaïque est fini Les temps sont passés où les ordures et les impuretés de l’ « asphalt littérature » juive emplissait les bibliothèques. Ont été brulés les livres d’une centaine d’auteurs selon un ordre de ce style : contre la corruption spirituelle, l’exagération et une complication malsaine de la sexualité pour l’anoblissement de l’âme humaine, je livre à la flamme les écrits de Sigmund Freud. Pareille cérémonie se déroule dans une vingtaine de villes universitaires dont Heidelberg, université fréquentée par Goebbels attiré par la réputation de Friedrich Gundolf, érudit juif !

       Dans l’hebdomadaire français L’Illustration, Robert Lambel (1) dénonce, dès le mois de mars 33, la dictature hitlérienne. C’est une véritable dictature hitlérienne dont les élections du 5 mars ont provoqué l’avènement en Allemagne. On a vu en quelques jours le gouvernement national socialiste établir son emprise souveraine sur l’ensemble du Reich, tandis que les formations militarisées des nazis se livraient à des démonstrations significatives. C’est sous cette dictature que, le 19 mars, au Grunewald Stadium, l’équipe de football française de football a fait match nul – 3 buts à 3 – avec l’équipe allemande. Le 7 juin, à Rome, l’ambassadeur allemand Ulrich von Hassel signe avec le français Henry de Jouvenel, le britannique sir Ronald  Graham et Benito Mussolini Ce pacte à quatre vise au maintien de la paix pour dix ans. Il est officialisé à Rome le 15 juillet.

 

(1)  Robert Lambel – de son vrai nom Robert de Beauplan – proche initialement des milieux intellectuels de gauche a été attaché à l’État-Major de Pétain pendant la 1ère guerre. Durant la seconde guerre, il a été éditorialiste à Radio-Paris. À la Libération, il est condamné à mort, peine commuée en réclusion perpétuelle.

Un commentaire sur “… le 30 janvier 1933, une date à retenir !

  1. C’est bien de se souvenir de tout cela en célébrant l’appel du Général de GAULLE ce 18 JUIN.

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