Depuis que son consulat général a été supprimé en 2011, la France n’a plus pignon sur rue à Liège. A la plus grande joie de son consul honoraire Jean-Pierre Rousseau, la République retrouve un toit dès le 20 février 2013. En effet, un local est mis à disposition par la Ville et la Province de Liège à la Maison de la Presse en Haute-Sauvenière. Ce local va servir aux activités du Consulat général de France en Belgique, aux permanences du Consul honoraire et aux réunions d’associations telle l’Alliance Française.
La date d’inauguration en présence de l’Ambassadeur de France coïncide pratiquement avec le deux cent vingtième anniversaire de deux faits marquants de la vie du Pays de Liège :
1) le souhait liégeois de devenir Français émis dès le 17 février 1793 par la Convention nationale liégeoise élue au suffrage universel masculin
2) le décret de démolir la Cathédrale Notre-Dame et Saint-Lambert adopté lors de la session des 17-19-20-26 février 1793. Ce décret vise certes un symbole de l’Ancien Régime. Toutefois, ce prestigieux édifice est très abimé au point de mettre en péril clergé et fidèles. Depuis des années, la cathédrale a besoin de soin mais les finances sont loin … La crise quoi !
Un peu d’histoire.
Chacun se souvient du18 août 1789, le Pays de Liège connaît son Heureuse Révolution. Le journal La Gazette de Liége – rien de commun avec le journal au titre identique fondé en 1840 par Joseph Demarteau – donne la raison de cette appellation ; Et ce qui rendra cette journée fameuse dans l’histoire, unique peut-être, dans les annales des nations, c’est qu’elle ne coûte pas une larme à l’humanité….. le sang n’a pas souillé le triomphe du patriotisme ! Et mieux encore, le Prince-Evêque Constantin-François de Hoensbroeck arbore la cocarde patriotique et le soir du mardi 18 août SON ALTESSE convint que ce jour était le plus beau de sa vie. Sa nuit la plus belle ? Sans doute, celle du mercredi 26 au jeudi 27 août qui le voit émigrer à Trêves à l’abbaye de Saint-Maximin tenue par les Bénédictins.
Un champ de bataille.
Les années passent, les armées amies ou ennemies également. Les Prussiens, les Palatins, les Munstériens, les Autrichiens, les Austro-Hongrois, les Français. Ceux-ci arrivent à Liège fin novembre 1792 dirigés par Dumouriez auréolé de sa victoire à Jemappes, la première de la République. Début décembre 1792, la municipalité liégeoise de 1790 est restaurée. Le Pays de Liège décide de remplacer les trois Etats par une Convention nationale liégeoise de 120 membres. Ceux-ci sont élus au suffrage universel masculin. L’âge minimal est fixé à 18 ans. Ce mode de scrutin est assez révolutionnaire. Le vote non obligatoire recueille nombre de suffrages. 21.519 selon un rapport daté du 21 février 1793. Le nombre d’abstentions n’est pas connu …
Une des premières décisions de la Convention nationale liégeoise est de demander la réunion du Pays de Liège à la France. La République réagit rapidement. Le 1er mars 1793, la Convention nationale annexe le Pays de Liège et la Belgique. Le 4 mars, municipalité de Liège et députés de la Convention nationale liégeoise gagnent la France. Les Autrichiens occupent le Pays de l’Heureuse Révolution. Le Prince-Evêque François-Antoine de Méan rétablit l’Ancien Régime.
Un piètre jugement hâtif.
Les autorités françaises, peu après leurs interventions en Belgique et dans le Pays de Liège ont confié à un homme de lettres Publicola-Chaussard le soin de faire rapport au Citoyen-ministre, aux Citoyens Députés de la Convention, aux Commissaires dans la Belgique de ce qui se passe tant en Belgique qu’au Pays de Liège. Ainsi, il note que si les Français vont étudier les arts en Italie ; ils pourraient étudier en Flandre, l’agriculture. Le commissaire du pouvoir exécutif ne montre nulle affection pour le Pays de Liège ; J’ai vu les hommes qui dominent la révolution liégeoise. J’ai vu des rivalités, des haines, des intérêts, de l’audace de quelques chefs, de l’insidiosité dans d’autres et dans le peuple de la faiblesse.
L’annexion du Pays de Liège passe mal du côté des révolutionnaires liégeois. En mai 1793, Jean-Nicolas Bassenge reçu à la Convention nationale lui demande d’accepter le vœu du Pays de Liège d’être réuni à la France. J’ai eu l’honneur d’être l’interprète de ses sentiments, en rédigeant le discours qui fut prononcé dans le sanctuaire de la liberté. Ce moment fut le plus beau de ma vie. J’ai entendu enfin ce sénat auguste accueillir avec empressement la demande de mes concitoyens. Je l’ai entendu leur dire : la France vous adopte. J’ai vu le PEUPLE SOUVERAIN confirmer cette honorable adoption. O ma patrie, ton sort est prononcé ! La liberté t’est assurée. J’ai assez vécu.
Jean-Nicolas Bassenge dans sa critique des Mémoires historiques et politiques sur la Révolution de la Belgique et du Pays de Liège en 1793 de Publicola-Chaussard lui reproche de n’avoir rien retenu des réunions tenues en février 1793. Le décret, par lequel l’administration générale, sur la motion de mon frère, arrêta ( = décida ) la démolition de la cathédrale, ne fut-il pas couvert des applaudissements universels ? Cet antique objet de la vénération de nos pères n’importunait-il tous les regards ? ne se disait-on pas, jusques quand sera debout ce repaire, d’où sont sortis tous les maux du pays ? ( …) Non …Chaussard, non, vous ne l’avez pas vu ce peuple ; non, vous l’avez pas connu ; vous n’avez connu ni son cœur, ni son esprit, ni son génie…
Nous payons encore aujourd’hui le prix de cette révolution.
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