Le premier préfet de police de Paris Louis-Nicolas Dubois (1) – homme de peu d’esprit, sans méchanceté (…) uniquement occupé du soin de conserver sa place et d’accroître sa fortune, il était peu difficile sur le choix des moyens qui pouvaient lui assurer ce double avantage (opinion de son successeur Etienne-Denis Pasquier) – est entré dans l’histoire par son ordonnance du 16 brumaire an IX (7 novembre 1800).
L’ordonnance préfectorale de Louis-Nicolas Dubois interdit aux femmes de porter des pantalons. Tout texte souffrant exception, le texte du 16 brumaire précise toute femme désirant s’habiller en homme doit se présenter à la Préfecture de police pour en obtenir l’autorisation.
L’ordonnance préfectorale n’est pas lié à un amour de la robe – encore que la réputation du préfet Dubois lui prête moult aventures galantes – mais vise avant tout à limiter l’accès des femmes à certaines fonctions ou métiers en les empêchant de se parer à l’image des hommes.
Fin du 19ème siècle, en 1892, et début du 20ème siècle, en 1909, deux circulaires autorisent le port du pantalon si la femme tient par la main un guidon de bicyclette ou les rênes d’un cheval. Il faut savoir que la France est à l’avant-plan de la modernité en décidant en 1892 d’interdire le travail de nuit à toute femme quel que soit son âge et en 1909 d’aligner le traitement des institutrices sur celui des instituteurs.
En juillet 2012, le sénateur bourguignon Alain Houpert (UMP) a posé une question écrite au Ministre des Droits des femmes Najat Vallaud-Belkacem. Tout en reconnaissant que ces dispositions ne sont plus appliquées aujourd’hui, le sénateur de Côte d’Or demande à la Ministre si elle envisage de les abroger vu que leur portée symbolique peut heurter nos sensibilités modernes.
Fin janvier 2013, après avoir précisé que le texte incriminé n’est pas une loi mais une simple ordonnance, la Ministre la déclare incompatible avec les principes d’égalité entre les femmes et les hommes qui sont inscrits dans la Constitution et les engagements européens de la France (…) De cette incompatibilité découle l’abrogation implicite de l’ordonnance du 7 novembre qui est donc dépourvue de tout effet juridique et ne constitue qu’une pièce d’archives conservée comme telle par la Préfecture de police de Paris.
Bref, depuis l’adoption le dimanche 27 octobre 1946 de la Constitution et de son préambule, le port du pantalon par les femmes est permis sur tout le territoire de la République. Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés (…) Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps, les principes politiques, économiques et sociaux ci-après : La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. Manifestement, l’élu bourguignon en posant en 2012 une question relative à une situation abrogée implicitement en 1946, justifie l’expression aller son train de sénateur !
(1) Ne pas confondre avec un autre Dubois –André-Louis-, préfet de police de Paris, entré dans l’histoire pour avoir interdit, en 1954, l’usage du Klaxon à Paris. Interdiction approuvée en son temps, par les potins de la commère Carmen Tessier publiés dans France-Soir, le journal dépassant le million d’exemplaires. Aujourd’hui, fini la version papier de France-Soir et les avertisseurs sonores s’en donnent à cœur-joie à Paris et ailleurs…