Il n’y a guère de plus Liégeois que le cinéaste Georges Yu , né en 1927 d’un père chinois et d’une mère wallonne. Il aime la saveur de la langue wallonne ; cette langue apprise dans le quartier de dju d’la Moûse, est pour moi si sensuelle, si directe, qu’elle ne m’a jamais quitté. J’aime parler wallon, même si, autour de moi, on s’en étonne ou, pire, si certaines personnes collet monté s’en offusquent.
De l’avis de Robert Stéphane – administrateur général honoraire de la RTBF, précédemment directeur du Centre de Production de la RTB-Liège – , Georges Yu est un des êtres les plus rares (le plus rare, le plus différent) que j’ai rencontré dans ma vie professionnelle et ma vie tout court.
Dans les années qui ont suivi la seconde guerre mondiale à laquelle il participe en qualité de Résistant – deux décorations l’attestent -, il veut faire carrière à Paris. Un souhait pareil à celui de Georges Simenon dans les années qui ont suivi la première guerre mondiale. En 1948, Georges Yu est comédien à Paris. Il figure notamment dans Les Enfants Terribles, le film de Jean Cocteau et Jean-Pierre Melville sorti en mars 1950. En novembre 1959, il tient le rôle de Chapuis dans le film de Jean Renoir, Le déjeuner sur l’Herbe. Son nom ultra court, deux lettres, s’enrichit si l’on peut dire d’un o incongru dans le générique !
De passage à Liège, en 1956, il tourne un film Les rues de Liège, film qu’il a monté à Paris avec son ami Jean Gonnet. Liège découvre ce documentaire en …1995. Quelques rares privilégié(e)s en 1993. Enthousiasme de la presse. Notre confrère Michel Hubin écrit dans Le Soir : Il y a quarante ans, Liège croyait encore en son destin de bastion de l’industrie et de la latinité (…) une oeuvre de jeunesse d’un cinéaste fait revivre une part de notre passé (…) le commentaire (…) promet: « demain, il fera jour ». Qui ne souhaite croire encore en un avenir meilleur?
Georges Yu qui, dans ses années parisiennes, a été l’un des adjoints de Henri Langlois, fondateur de la Cinémathèque française en 1936, se laisse attendrir. Il remet sur le métier Les rues de Liège telles qu’elles sont devenues en 1996. Qu’en pense le pensionné-passionné de la RTBF ? 40 ans plus tard, le fleuve a maintenu son cours, historique et légendaire. La ville s’est offerte un « lifting », parfois heureux, parfois outrageant. Mais de bonnes pierres témoignent encore de son charme séculaire. Pourtant, le citoyen ne flâne plus guère aux coins des rues. Son mode de vie est identique à celui d’autres villes européennes. Auparavant, il produisait, à présent, il consomme, pour autant qu’il le puisse. La « crise » a fait de lui un passager de la vie qui s’empresse de ne pas s’attarder. Bien des questions se posent et restent sans réponses. Demain, dans 40 ans, on fera les comptes… Dans ces deux documentaires, une même phrase finale DIMIN, I FERE D’JOU !
La troisième chaîne de la RTBFbe a choisi cette balade à deux temps comme première partie de la soirée d’hommage à Georges Yu (1) qu’elle organise ce mardi 8 janvier en collaboration avec l’Association Culturelle Paul Renotte. Après la diffusion d’une émission consacrée aux marchés parue dans le cycle Itinéraires, la soirée d’hommage se terminera par Une nuit ce jour là. Récompensé, en 1978, par une Antenne de cristal, prestigieuse récompense décernée par l’Union de la Critique de l’Audiovisuel, un de ses membres a écrit : Georges Yu a voulu nous étonner par cette inlassable vitalité de l’humanité dont l’activité de fourmi, à toute heure du jour et de la nui, témoigne, pense-t-il, d’un sens confus, inconscient, de la survie.