Le hasard fait parfois bien les choses ; Aujourd’hui, à Tunis, l’UNESCO célèbre la journée mondiale de la liberté d’expression. Tunis est le rendez-vous de personnalités du monde de la presse qui débattent du thème les nouvelles voix : la liberté de la presse et son rôle dans le changement des sociétés. Au même moment, toujours à Tunis, décision attendue dans le procès Nessma (La brise). Cette chaîne de télévision privée tunisienne a diffusé à quelques jours des élections du 23 octobre le film Persépolis. Ce long métrage d’animation a, notamment, reçu en 2007, le prix du jury de Cannes. Ce film franco-iranien a été projeté sans problème à Tunis. Nessma a présenté une version doublée en arabe tunisien et suivi d’un débat sur l’intégrisme religieux.
Les salafistes ont crié au blasphème pour une séquence où Dieu paraît sous la forme d’un vieillard barbu Le directeur Nabil Karoui présente des excuses tandis que des salafistes tentent d’incendier sa demeure à La Soukra, dans la banlieue de la capitale. Une plainte est déposé contre le directeur par 140 avocats et des citoyens pour atteinte aux valeurs sacrées et aux bonnes mœurs et trouble à l’ordre public. Un délit passible de trois ans de prison. Les audiences ont été houleuses et le tribunal a mis la cause en délibéré ce jeudi 3 mai.
Dans le quotidien tunisien Le Temps de ce matin, une chronique est consacrée à ce procès. On peut y lire ; Bien sûr que le meilleur des scénarios, le plus vraisemblable en somme, serait que le patron de Nessma soit acquitté, purement et simplement, libéré des charges ayant pesé sur lui, et qui sont plutôt des charges pesant sur l’avenir de la liberté d’expression intra-muros (…) faire le procès d’un film, par ricochet, c’est faire le procès de toute une révolution, qui n’est pas advenue pour que les tunisiens, débarrassés d’une dictature, se retrouvent sous la coupe d’une autre, dont ils ne veulent pas. (…) La raison serait que les charges contre Nessma, ou celui qui la représente, peu importe, tombent d’elles-mêmes, parce que toute cette histoire, depuis le début, est cousue de fil blanc. Le reconnaître, c’est faire œuvre de sagesse, car le fondamentalisme, quelle que soit la forme dans laquelle il se drape, n’a pas droit de cité en Tunisie. La liberté de s’exprimer, oui par contre…
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Le jugement condamne Nabil Karoui à 2400 dinars tunisiens (1185 €) pour trouble à l’ordre public. Deux autres personnes – responsables respectivement du doublage et du visionnage – écopent d’une amende de 1200 dinars (592 €). La justice tunisienne à sa propre conception de la liberté d’expression…