Jean-Marie Roberti évoque son ami le Général chilien Sergio Poblete.

Demain, au crématorium de Robermont, auront lieu les funérailles de Sergio Poblete. Retenu à l’étranger, notre confrère Jean-Marie Roberti nous a envoyé un témoignage qui allie histoire et tendresse amicale.

  

SERGIO POBLETE.jpgPhoto Siglo XXI

               En 1972,  j’avais trente deux ans et j’étais depuis six ans le journaliste professionnel responsable rédactionnel d’un hebdomadaire syndical organe  du Mouvement Populaire Wallon (M.P.W.) : « Combat » fondé peu avant la fin de la grande grève de l’hiver  1960-61 par André Renard.                                                

              Suite à divers « accrochages » avec André Cools, l’influent Joseph Sevrin (meilleur ami du père d’André qui lui était un syndicaliste mort en camp de concentration), me fit savoir que le député bourgmestre de Flémalle. souhaitait  que je l’interviewe. Je pris rendez-vous et l’agenda nous conduisit à prévoir cet entretien le jour de Noël après-midi.  Ayant emprunté trois bus, j’arrivai le 25 Décembre à 15 h. au domicile de la famille Cools et André vint m’ouvrir revêtu d’un tablier car il faisait la vaisselle.                                                                   

             Il fit d’emblée semblant de me reprocher le fait que je n’avais pas participé au vol inaugural de la Sabena  entre Zaventem et Padahuel (aéroport  de Santiago du Chili), vol qui avait permis aux coprésidents du P.S.B.-B.S.P. – qu’il était avec l’Anversois Josse Van Eynde – de rencontrer le Président Allende et  d’apprécier la politique que celui-ci développait dans les « poblaciones » en faveur des plus déshérités. « C’est un journaliste comme toi qui doit expliquer  aux travailleurs wallons combien il est essentiel d’être concrètement solidaires de l’Unité Populaire chilienne ». Je n’ai eu aucun mal à lui répondre que je n’appartenais pas à l’establishment de la presse belge bien pensante et que dès lors « Combat » n’était  jamais invité par  la Sabena. « Ah ! c’est comme cela,  viens »me dit-il et il téléphona au domicile privé du Ministre des Communications Fernand Delmotte.     

            Il dit à ce socialiste wallon, d’emblée approbateur, qu’il devait réparer les oublis de la Sabena et il lui demanda de faire préparer  un « réquisitoire gouvernemental » pour une personne, Bruxelles-Santiago, aller et, conclut –il, « même retour ». Une manière pour André Cools qui plaida ce jour là pour l’initiative industrielle publique de « faire la paix » avec un jeune journaliste dont il fit les années suivantes son collaborateur dans les relations avec les socialistes chiliens.                                                                                                                                                    

           Mon séjour chilien en mars-avril 1973, le rapport remis  à sa demande à Irène Pétry , secrétaire d’Etat à la coopération qui voulait justifier son choix d’enlever (alors que cela ne faisait pas l’unanimité au sein du gouvernement Leburton) une partie significative des crédits prévus pour Mobutu afin de les octroyer à Allende, long rapport que clôturait  une courte phrase : « En cas de malheur (renversement de l’Unité Populaire ) toute coopération devrait être supprimée ». Ce qu’elle fit après que le 11 Septembre 1973, elle dut rebrousser chemin à Buenos-Aires alors qu’elle se rendait  ce 11 Septembre là à la grande commission mixte belgo-chilienne dont l’ouverture à la Moneda fut empêchée par les bombardements du Palais présidentiel   ordonnés par Pinochet  avec le feu vert de Kissinger…

          Ce sont d’autres histoires mais elles expliquent pourquoi André Cools – lorsque le Secrétaire général du Parti Socialiste du Chili Carlos Altamirano dut sortir de la clandestinité et fut invité par  le P.S.B.-B.S.P. à venir quelques jours à Bruxelles –  me demanda d’accompagner ce responsable chilien lors de ses diverses entrevues à la F.G.T.B. chez Georges Debunne, à la C.S.C. chez Jef Houthuys, à la C.I.S.L., etc. Lors de la réunion boulevard de l’Empereur, André Cools et Josse Van Eynde les co-présidents du P.S.B.-B.S.P. demandèrent à Carlos Altamirano ce que les socialistes belges pouvaient faire spécifiquement pour leurs camarades chiliens. C’est alors que j’entendis pour la première fois le nom de Sergio Poblete. Altamirano expliqua : nous avions deux Généraux socialistes au sein de la Force Aérienne Chilienne, Bachelet  et Poblete, incarcérés par la junte putchiste peu après son golpe (coup d’État). Suite aux mauvais traitements qu’ils ont comme leur camarade le capitaine Vergara, subis, le Général Bachelet est  décédé d’une insuffisance cardiaque dans leur cellule. Nous voudrions, ajouta le Secrétaire Général du P.S. chilien, vous demander d’essayer de sauver Sergio Poblete que le Président Allende avait choisi comme Directeur Général de l’industrie lourde du Chili ce qui –  même sans les mines de cuivre dotées de leurs propres responsables – équivalait à un poste de niveau ministériel.                                                                                                                                                                           Nous vous le demandons à vous pour plusieurs raisons. D’abord parce que le camarade Poblete, fils d’un éminent juriste, franc-maçon aux options très sociales comme le fut aussi le Docteur Allende –  juriste représentant le Chili dans la branche de la Société des Nations dont est issu l’actuel Bureau International du Travail, a inscrit Sergio dans des études  en langue française d’ingénieur en aéronautique qu’il termina avec succès car  son trop jeune âge conduisit à ce que soit rejetée sa demande de faire partie des Brigades internationales qu’avec un compagnon, il était venu à vélo, depuis Genève, formuler à la frontière franco-espagnole.  Outre ses compétences linguistiques et scientifiques, Poblete a peut-être aussi l’atout pour une campagne chez vous d’avoir été l’aide de camp au Chili du Premier ministre démocrate-chrétien belge Théo Lefèvre lorsque celui-ci, à l’invitation insistante de l’ex-Président   Eduardo Frey, effectua une assez longue visite officielle au Chili. Enfin, comme Général chargé de l’acquisition des avions et du matériel de la Force Aérienne Chilienne, Sergio Poblete décida d’achats en Belgique qui lui valurent l’octroi par votre Gouvernement d’une haute distinction dans vos ordres nationaux ce qui devrait démontrer au besoin  sa parfaite honorabilité.  D’une même voix, l’un approuvant l’autre, Cools et Van Eynde répondirent que les Socialistes belges feraient tout ce qui serait en leur pouvoir afin de sauver Sergio Poblete.

            Une fois Altamirano parti, André Cools me demanda s’il pouvait compter  sur moi pour coordonner la campagne à mener pour Poblete, étant entendu que j’aurais carte blanche pour engager en ce domaine le Parti. J’ai répondu positivement à mon tour. Le premier objectif fut d’éviter  qu’après la mort de Bachelet, les Généraux félons ne choisissent de faire discrètement disparaître  Poblete. Pour éviter  cette discrétion, ce qui s’avéra essentiel ce furent la collaboration  de l’Ambassadeur de Belgique à Santiago Monsieur Panis qui avait déjà agi avec détermination et  courage pour mettre à l’abri des militants et personnalités recherchés par la Junte et celle de son Conseiller démocrate-chrétien Monsieur  Mineur qui accepta d’aller personnellement chaque jour demander à rencontrer ou à avoir des nouvelles du Général Poblete. Pendant ce temps là nous avons développé une campagne de presse allant de Radio Moscou à Radio Vatican (grâce à des communiqués rédigés différemment en fonction de chaque catégorie de destinatairer mais tous  rappelant Bachelet et appelant à la libération de Poblete. La veuve du Général Bachelet restait d’ailleurs affectueusement  proche de la famille Poblete.                                                                        

          Ayant milité avec son fils au sein du MUBEF (Mouvement universitaire belge des Etudiant s francophones), j’ai grâce à celui-ci obtenu un rendez-vous en soirée chez André Molitor, Chef de Cabinet du Roi. Je dus le convaincre de la justesse de notre  cause puisque peu après j’appris que le Roi Baudouin et la Reine Fabiola avaient envoyé deux lettres manuscrites en espagnol demandant à pouvoir faire accueillir en Belgique  un Général  qui avait reçu chez nous une haute distinction honorifique. Ce qui m’a révélé qu’une décoration pouvait être utile. L’ensemble de la campagne et en particulier cette démarche royale,  que je pense très peu fréquente, conduisirent la Junte à décider de « l’expulsion »  du Chili de Sergio Poblete. Informés grâce à notre Ambassade, comme  la famille  de Sergio Poblete, du jour et de l’heure de cette expulsion, nous avons obtenu qu’une hôtesse de l’air militante socialiste prénommée Lulu soit avec son plein accord affectée au vol Zaventem-Padahuel afin de s’occuper particulièrement du Général Poblete. Lulu alla même saluer l’épouse de Sergio, Nelly qui lui dit que son mari avant d’être incarcéré avait  enterré leur dernière bouteille de Champagne pour des jours meilleurs et qu’elle l’ouvrirait deux heures après l’heure prévue du décollage. A Padahuel, l’avion de la Sabena fut relégué en bout de piste après embarquement des passagers normaux, de leurs bagages et du frêt.  Deux auto-mitrailleuses précédant et  suivant un véhicule cellulaire s’approchèrent  des escaliers disposés à la porte de l’avion, un occupant fut poussé hors de l’espèce de fourgon, monta les marches et au sommet se retourna en narguant les domestiques de la junte, les saluant d’un poing levé et fermé ce qui – conformément aux instructions reçues en Belgique – amena Lulu à tirer brusquement à l’intérieur de l’avion, ce Général dangereux car risquant une rafale d’arme automatique. Dès qu’il fut installé dans le fauteuil lit qui lui avait été réservé, Sergio Poblete épuisé par des mois de traitements inhumains, s’endormit profondément. L’avion partit et deux heures plus tard Lulu réveilla le Général qui s’étonna d’être si vite tiré de son sommeil. En lui tendant une flûte de Champagne, Lulu lui expliqua qu’il devait déguster – comme le faisaient sa femme et  les leurs – ce Champagne qu’il avait  caché à Santiago et que la Belgique de son côté lui offrait avec joie. Sergio me confia que cette flûte resterait la meilleure de sa vie avec celle qu’il allait conserver au frigo jusqu’au décès de Pinochet. J’avais été envoyé à Zaventem où les formalités avaient été réduites au strict minimum et j’accompagnai Sergio dans les bureaux de la questure de la Chambre des Représentants où un jeune questeur député de Liège avait réuni la quasi totalité des parlementaires socialistes

Depuis nous avons connu avec Sergio beaucoup de moments forts et je voudrais en évoquer de manière la plus succincte possible une dizaine

1°) Nous avons lors d’une visite  à l’Université de Liège, remercié le Roi Baudouin de son intervention en faveur de Sergio Poblete. L’administrateur de l’U.Lg et mandataire socialiste Henri Schlitz évoquant la possibilité d’engager cet ingénieur aéronauticien  au service informatique de l’Université,  le Roi intervint en ce sens auprès du Recteur qui proposa avec succès ce souhait royal au Conseil d’administration. Ensuite Sergio Poblete travailla en y démontant ses compétences aéronautiques dans les cabinets ministériels de Guy Mathot puis de Jean-Maurice Dehousse mais l’âge de la retraite atteint, il ne put justifier d’années d’activités en Belgique lui donnant droit à une pension décente. Il vécut de maigres allocations sociales jusqu’au moment où après que Pinochet ait été d’assez longue date écarté du pouvoir les autorités chiliennes lui envoyèrent (discrètement pour ne pas braquer des responsables militaires promus sous et  par la Junte et bien sûr sans les arriérés !) le montant  de sa retraite d’officier.  

2°) Quand l’épouse de Sergio Poblete put le rejoindre à Liège, ma  femme et moi nous décidâmes de les recevoir à la maison. Un collègue de la Fondation André Renard Emile Delvaux, assistant social après avoir préalablement acquis ( en raison d’une obligation décrétée par la direction de l’orphelinat du Vertbois où il avait été placé enfant) un diplôme de l’école d’Hôtellerie de la Ville de Liège, accepta volontiers de choisir et de préparer un menu « digne de nos invités », qui resta dans les annales et dont à l’exception d’excellents vins je souviens encore : Homards à l’armoricaine, Gigue de chevreuil grand veneur,  un plateau des meilleurs fromages classiques et une grande Omelette norvégienne. A Chênée, nous avons de nombreuses années été actifs dans le domaine de la solidarité en organisant notamment des Noëls rouges pour les enfants des réfugiés politiques latino-américains (précédés de week-ends de collectes de porte à porte de jouets, vêtements,  nourriture et objets de bonne qualité)

3°) Pinochet avait envoyé comme Ambassadeur à Bruxelles le Général Nuño que Sergio Poblete nous décrivit comme ayant été un tortionnaire lors du coup d’État et après celui-ci, nous fournissant des détails précis : lieux, dates, noms de victimes etc… J’informais dans « Combat » sur les exactions de ce sinistre personnage et avec mon concours et surtout celui de Michel Melchior (qui devint Président  de notre Cour constitutionnelle et qui rechercha tous les antécédents de diplomates déclarés non grata – non désirés – par la Belgique depuis 1830, Jean-Maurice Dehousse interpella le Ministre des Affaires étrangères Renaat  Van Elslande (CVP). Tant par la pertinence de ses mises en cause du Ministre que par la supériorité de sa préparation et de sa documentation, il contraignit  ce Ministre à faire savoir à Santiago que s’il ne retirait pas de Bruxelles sans espoir de  retour cet Ambassadeur , il serait  contraint de le faire expulser. Exit Nuño, venceremos !

4°) Madame Allende venant à La Haye comme invitée d’honneur du Congrès de l’Internationale socialiste, Sergio Poblete demanda au Bourgmestre de Liège Edouard Close s’il souhaitait recevoir la Veuve du Président  du Chili. La réponse fut positive comme elle le fut aussi suite à ma suggestion (pourtant combattue par feu mon collègue Pierre Bernimolin alors Chef du Protocole) d’appliquer les mêmes règles que lors de la visite officielle d’un Chef d’Etat (présentation des corps constitués et nominalement de chaque membre du Conseil communal) sauf pour les drapeaux, seul celui en berne du Chili surmontant la porte d’entrée principale.  Cette visite se déroula à l’entière satisfaction de Mme Allende (« Tencha » étant son diminutif  affectueux. Sergio et moi étions allés la chercher  aux Pays-Bas et nous nous étions longuement arrêtés au retour à une grande exposition Rubens à Anvers. J’accompagnai aussi Mme Allende et Sergio chez feu le ministre alors socialiste des Affaires étrangères Henri Simonet. A condition de ne pas obtenir pendant la présidence belge de l’Union européenne une réaction unanime des États-membres ; la Belgique s’engageait  à descendre le niveau de ses relations diplomatiques en rappelant à Bruxelles l’Ambassadeur belge à Santiago. La réaction unanime des Européens fut impossible à obtenir le Royaume Uni venant  de choisir une amie de Pinochet pour le gouverner : Margaret Thatcher. Mais Simonet tint parole et  fit savoir à Edouard Close qu’il pouvait  annoncer ce retrait du Chili de l’Ambassadeur belge pour protester contre les violations des droits de l’homme. Cette annonce le Bourgmestre devait  la faire au Palazzo Vecchio à Florence lors d’une réunion des grandes villes du Monde solidaires des démocrates chiliens. Une grève d’Alitalia empêcha Edouard Close d’arriver en Toscane où  via Turin je me trouvais déjà en éclaireur.  Le Bourgmestre me chargea d’expliquer la décision belge. Annoncé par des trompettes qui ne devaient pas être de la renommée mais que jouaient  avec solennité des hérauts en tenues Renaissance, je pris la parole brièvement ce qui n’empêcha pas Madame Allende de se lever pour venir m’embrasser sous les applaudissements ? ni à mon retour à Liège d’être chaleureusement félicité par Sergio.

5°) Sergio voulait agir en informant – notamment en français – au sujet des multiples aspects de la résistance des démocrates chiliens. Il créa à cette fin un périodique Les Nouvelles du Chili. Vu son statut de réfugié politique, je lui ai conseillé de ne pas en être l’éditeur responsable  afin de ne pas donner d’angle d’attaque à des réactionnaires mal intentionnés. Il me proposa de le devenir mais je lui répondis qu’il y avait des personnalités bien plus notables. A qui penses-tu ? me demanda-t-il. Je répondis : A celui qui fut mon prof de critique historique et  qui sur son expérience des camps de concentration nazis, a écrit un livre remarquable « A l’ombre de la mort ». Il s’appelle Léon-Ernest Halkin et  habite une jolie maison  qui sur les coteaux du Péry domine Liège. Allons le voir, me dit Sergio.  Je pris rendez-vous. Nous y allâmes. Le Professeur nous attendait. Nous lui avons exposé à deux voix l’objet de notre démarche et avons conclu en lui demandant de nous poser toutes les questions qu’il jugerait utiles. Il nous répondit : Je n’en poserai aucune. Et  il ajouta : C’est évidemment un  grand honneur pour moi d’accepter d’être votre éditeur responsable.

6°) Hélas l’émotion est parfois beaucoup plus tragique. Sergio considérait que son rôle de fournisseur de la Force Aérienne chilienne impliquait d’empêcher Pinochet et consorts de recevoir ce que précédemment il achetait. Parfois en raison des liens d’amitié créés, plus rarement sous la menace des conséquences post-pinochettistes d’une collaboration normalisée avec la Junte , il obtenait des réactions non négligeables comme la non-fourniture de pièces détachées indispensables aux vols de certains types d’avion. Un des fils de Sergio était devenu comme son père officier de la FACh et il avait après le golpe été relégué le plus loin possible de Santiago. Il reçut l’ordre d’effectuer un vol. L’avion qui lui avait été destiné n’avait pas été réparé et  dès lors s’abattit tuant son pilote.

Telle est l’odieuse réalité du fascisme.  Aujourd’hui et demain encore,  les responsables survivants d’actes d’une telle barbarie devraient être traînés en justice.

7°) D’une santé chancelante, profondément affectée pat les conséquences du coup d’État, irréversiblement blessée par des horreurs comme l’assassinat d’un de ses fils, l’épouse de Sergio Nelly décéda elle aussi.        

Dans ses terribles malheurs, Sergio eut la grande chance de pouvoir compter d’abord sur sa fille Monica artiste aux talents remarquables (tant en ce qui concerne la sculpture que la peinture) , militante des droits de l’homme (et de la femme !), arrivée en exil comme jeune épouse de Rafaël Cantillana (je les ai d’abord connus quand Rafaël terminait ses études d’ingénieur à Mons avant d’aller travailler à la Compagnie intercommunale liégeoise des Eaux – la CILE- dont cet  ingénieur vient d’être retraité comme Directeur de la qualité des eaux). Monica et Rafaël ont deux enfants Andres (auquel sa compagne a donné l’arrière petit-fils de Sergio, Bruno et qui international belge de rugby dans un passé récent, s’est orienté comme son père vers la CILE)  et la charmante Beatriz  qui après des études d’esthétique et  d’architecte d’intérieur a trouvé un compagnon et  cherche à progresser dans ses fonctions professionnelles. Cette famille  a été rejointe par une dame seule habitant un appartement (qu’elle a gardé) dans le building du Quai Saint-Léonard où Sergio et Nelly puis Sergio seul habitaient de longue date. Prénommée Rosemary cette dame a donné quelques coups de main, s’est liée d’amitié  avec Sergio dont elle est devenue l’attentive et  souriante compagne.

8°) Lors d’une visite officielle de l’Ambassadeur du Chili à Liège (où le discours du Bourgmestre parla trop et trop élogieusement de moi) Sergio Poblete fut fait – un des premiers – «citoyen d’honneur» de la Ville de Liège. Il en était fier mais c’était incontestablement justifié car il fut assurément dans la seconde moitié du XXème siècle le plus emblématique  réfugié politique accueilli par la Cité ardente ce qui m’a amené à suggérer qu’une voirie de notre ville porte son nom.

9°)  Un Monsieur est venu sonner au 36 H 13 Quai Saint-Léonard à 4000 Liège. Sergio Poblete a ouvert la porte d’entrée du building et celle de son appartement.  Le Monsieur s’est présenté : c’était le précédent Ambassadeur du Chili à Bruxelles. Il remit à Sergio pour lui et pour sa fille deux passeports chiliens (ce qui confirmait la nationalité dont la Junte avait déclaré vouloir priver le Général Poblete pour ses actions hostiles ce qui avait conduit  Sergio à déclarer à la TV : « Je suis né Chilien, je vis en Chilien et je mourrai en Chilien tandis que Pinochet est né fasciste, vit en fasciste et mourra en fasciste ») et deux billets d’avion aller-retour en business classe Bruxelles- Santiago. En outre, une lettre de la présidente élue du Chili Michelle Bachelet invitait le Général Poblete et sa fille Monica à sa prestation de serment  lors de son entrée en fonctions. Monica et moi notamment, nous avons dû insister pour que Sergio accepte l’invitation dans son pays qui n’avait pas condamné Pinochet pour ses crimes. Il m’a été dit que l’accueil à Santiago fut excellent et que le représentant de la Belgique André Flahaut alors Ministre de la Défense fut très prévenant  à l’égard du Général et de sa fille. La Présidente descendit de son estrade  et vint embrasser le compagnon de cellule de son père. Autre surprise de Madame Bachelet : elle avait attribué la place de secrétaire d’Etat à la Force Aérienne Chilienne adjoint au Ministre de la Défense à un inconnu : Raoul Vergara. Mais peut-être vous souvenez-vous du capitaine qui avait été torturé avec les Généraux Bachelet et Poblete .

10°) Invité à la fête donnée pour les 90 ans de Sergio Poblete (où je n’ai pas reconnu de mandataires élus mais essentiellement des militants de base), je suis resté en contact  avec le Général par  téléphone et même parfois par  lettre. Nous nous sommes revus de temps à autre. Pour la dernière fois avec mon épouse peu avant notre départ prévu de longue date à l’étranger  quand informé par Monica ? nous avons eu le privilège de nous entretenir avec lui à la Clinique André Renard à Herstal alors qu’il était lucide et fraternel. Monica et  Rosemary raccompagnaient  un professeur chilien à l’Université d’Anvers puis passaient le cornet du téléphone à Sergio pour qu’il puisse s’entretenir quelques minutes avec celui qui fut le principal conseiller d’Allende Juan Garces qui appelait pour la deuxième fois depuis Madrid.

Ce mercredi 30 Novembre ne pouvant me trouver à Robermont où Sergio Poblete doit être incinéré j’ai voulu manifester en écrivant  ce témoignage toute l’estime et toute l’affection que j’éprouvais à l’égard d’un homme qui a beaucoup compté dans ma vie.

Jean-Marie Roberti 29/11/2011.

Un commentaire sur “Jean-Marie Roberti évoque son ami le Général chilien Sergio Poblete.

  1. Monsieur,Poblete
    du haut de vos 93 ans que nous avons encore eu la chance de venir vous le souhaiter,sachez que vous resterez pour nous un combattant et toujours jovial a nos coeurs.
    nous avons pu être a vos cotés pendant 18 ans et que nous n’ oublierons jamais le respect que vous avez eu face a notre métier d aide familiale.Nous tenons aussi a remercier votre fille Monica et Rosemary pour la confiance qu’elles nous ont apportées
    Nous ne vous oublieront jamais.
    Leurs aides-familiales
    Karima et Annick

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