« Bis repetita placent » me disent les pages roses de mon tout nouveau « Petit Larousse illustré 2012 » qui remplace celui de 1985 tout démantibulé. Et, en effet, l’amusante rencontre de Casanova (José Brouwers) et du Prince de Ligne (Serge Swysen) au château de Waroux m’a permis d’apprécier doublement un impromptu, cette pièce censée s’y être déroulée et avoir été créée au pied levé alors qu’elle requiert en réalité beaucoup de travail de qualité. Telles les improvisations quand on constate que les meilleures ont été les mieux préparées.
Doublement parce que j’ai d’abord écouté cette oeuvre jouée à la terrasse du château alleurois dans le cadre d’une deuxième (après celle de 2002 au Musée d’Art wallon à Liège) rétrospective de – cette fois- 40 ans de créations imaginatives d’un talentueux artiste aux multiples réalisations classiques ou insolites, légères ou ironiques, décoratives ou oniriques : Philippe Waxweiller. Ensuite j’ai partiellement revu cette pièce sur la scène du cinéma-music hall « Le Forum » rue Pont d’Avroy, en ouverture de la commémoration par la Ville de Liège des Journées de Septembre 1830 (devenues les Fêtes de Wallonie, comprenant l’annuel discours du Bourgmestre)
« L’impromptu de Waroux », l’interprète du séducteur vénitien l’a écrit avec toute son expérience de l’art dramatique et beaucoup de finesse (en puisant dans les Mémoires de son personnage et les 34 volumes des œuvres princières) Il a valorisé dans sa mise en scène non seulement les deux principaux protagonistes mais aussi les quatre autres comédiens : l’élégante co-directrice de l’Arlequin, Marie-Josée Delecour qui joue Marie « souvent au bain… ». comme le souligne la pétillante Suzon. Incarnée par Catherine Ledouble, qui n’a pas cédé le patronyme de ses ancêtres à Jean-Marie Gelon alors que c’est lui le double puisqu’il apparaît successivement en chanoine prébendier, propriétaire du Château et en paysan spadois accompagné d’un policier ironique que joue Alexandre Tirelier.
Bref un excellent hors d’œuvre (encore visible gratuitement ce 27 septembre à 15 h lors de la Fête de la fédération Wallonie-Bruxelles, mais en réservant préalablement au 04 222 15 43) avant une saison qui comportera les vendredis et samedis à 20h30 du 30/9 au 3/12 rue Ruxthiel 3 à Liège le très drôle « Dîner de cons » de Francis Veber, puis lors du réveillon de Nouvel an au Forum et « Une aspirine pour deux » de Woody Allen les vendredis et samedis à 20 h 30’ du 14 janvier au 25 février 2012 puis les mêmes soirs aux mêmes heures du 10 mars au 28 avril le retour sur les planches du producteur à la RTBF Guy Lemaire dans « Les hommes préfèrent mentir » d’Eric Assous.
Sur plus de 30 millions d’euros saupoudrés parmi les théâtres au budget 2010 par la Fédération Wallonie-Bruxelles, le Théâtre Arlequin récemment devenu « royal » s’en voit attribuer 151.000. Très nombreux sont les Liégeoises et les Liégeois qui connaissent bien le Théâtre Arlequin Ce pourcentage infinitésimal des subventions directes à l’art dramatique est HONTEUX. L’assourdissant silence des élus liégeois doit cesser. L’Arlequin est une troupe à laquelle nous devons plus qu’une reconnaissance polie.
José Brouwers a eu 80 ans le 26 mars denier. Après des humanités chez les Jésuites de Saint-Servais, il suivit les cours d’art dramatique du Conservatoire. Journaliste à La Meuse, il joua avec les « Jongleurs de Notre-Dame ». L’échevin de l’instruction publique, Maurice Destenay, ayant mis une école communale à la disposition de ces jeunes du quartier du Laveu, José Brouwers créa avec une poignée d’amis, le Théâtre Arlequin en 1956. Celui-ci remporta quatre trophées royaux d’art dramatique Deux salles furent ouvertes en 1969 puis en 1976 rue Ruxthiel. Au préalable, José Brouwers avait déjà été de 1964 à 1974 l’adjoint de Charles Joosen au Théâtre du Gymnase qu’en 1974-1975, il dirigea seul. Exproprié pour y faire les trous de la place Saint-Lambert, la Place de l’Yser accueillit dans des locaux temporaires un Gymnase rebaptisé Nouveau Gymnase puis Théâtre de la Place .
Les autorités communales de l’époque et en particulier Hubert Pirotte commirent l’erreur de ne pas confirmer José Brouwers à la direction de la principale scène dramatique de la Cité. Plus d’un tiers de siècle plus tard, celle-ci est tombée bien bas en ne servant plus les grands auteurs de notre siècle et des précédents comme José Brouwers et l’Arlequin purent si bien le faire, en octobre 2006, grâce à Jean-Louis Grinda au Théâtre Royal à l’occasion du demi-siècle de l’Arlequin en montant un enthousiasmant Bourgeois Gentilhomme de Molière et Lully.
Depuis sa fondation l’Arlequin a joué plus de 300 spectacles différents. Ce théâtre a remarquablement servi la Cité ardente même s’il doit parfois surmonter des malheurs dont il n’est pas exempt comme l’interruption de son célèbre « Café liégeois » en raison du décès inopiné de Thierry Enckels alias l’irremplaçable Madame Bémol. Ces comédiens ont en bons Liégeois « toujours relevé leurs crestes ». Faisons en sorte qu’ils puissent le faire demain avec des moyens enfin décents.
Jean-Marie ROBERTI