Ce vendredi 5 Août 2011, démentant la météo, la plus célèbre de nos villes d’eau a épargné de toute trombe le coup d’envoi de son 52ème Festival Royal de Théâtre où tous les Ministres de tous nos gouvernements et tous les élus de tous nos Parlements brillaient, tels des étoiles filantes en cette soirée des Perséides, par leurs absences, les seules personnalités que nous ayons reconnues étant, outre l’inaltérable mayeur spadois, Joseph Houssa, les anciens Ministres Valmy Féaux et Jean-Pierre Grafé.
Et il faut en outre constater que les moyens de cette fête estivale se délitent à défaut du renouvellement depuis 2008 de son contrat-programme par la Fédération Wallonie – Bruxelles (dramatiquement centralisatrice puisque la clé de répartition des subventions culturelles localisables n’est pas de 75% pour la première composante de cette Fédération et – généreusement tant sur la plan démographique qu’au vu du fait que rien de ce qui est resté fédéral n’est wallon – de 25% pour Bruxelles mais devient … l’inverse : 75 % pour les 19 communes du cœur du Royaume et 25% pour les 253 autres du sud du pays, sans compter les neuf de la région de langue allemande,… selon la recette du pâté d’alouette)
Comme le souligna dans un bref message introductif rendant un juste hommage à André Debaar, Armand Delcampe, co-directeur depuis 1999 (avec Cécile Van Snick) du Festival proposer, en 12 jours, 14.000 places en six lieux pour permettre d’apprécier 60 représentations de 28 spectacles dont 5 créations, s’avère de moins en moins aisé et ce n’est possible que grâce à un public fidèle et régulièrement renouvelé qu’il convient de remercier en tout premier lieu. Et vendredi soir, une fois de plus, les salles étaient combles et les spectateurs enthousiastes lors de deux créations auxquelles nous avons assisté.
MOI, JE CROIS PAS…
C’est en présence de l’auteur, aujourd’hui reconnu comme un des principaux actuels dramaturges de langue française que, près de six mois avant qu’elle ne soit montée à Paris, a eu lieu à Spa la création mondiale de la pièce de Jean-Claude Grumberg: Moi, je crois pas. Du 14 Septembre au 1er Octobre, elle sera interprétée 15 fois en ouverture de la saison 2011-2012 de l’Atelier Théâtre Jean Vilar à Louvain-la-Neuve. Cette œuvre est interprétée avec justesse (sans exagération facile ni retenue excessive) par deux excellents comédiens (et par ailleurs metteurs en scène) Patricia Houyoux et Eric De Staercke. La mise en scène de Vincent Dujardin est constamment attentive à servir un texte qui paraît banal au point de sembler à demi improvisé alors qu’au contraire il est écrit avec précision afin de lui donner un air bâclé. L’humour effleure sans cesse mais à un premier degré qui cache mal l’ironie grinçante du second… Cette satire de notre société de consommation dépourvue de tout idéal peut d’ailleurs mettre mal à l’aise quand nous nous reconnaissons partiellement dans tel ou tel trait même moins accentué que dans cette caricature où s’affrontent sans amour et sans haine mais de manière médiocre une crédule et un incrédule aussi ridicules l’un et l’autre.
LES FEMMES SAVANTES
Le principal spectacle de cette soirée inaugurale renouait avec la volonté d’Armand Delcampe de jouer ou, comme cette fois, de mettre en scène Molière. Celui-ci est au théâtre français ce que Mozart est à la musique. On ne peut s’en passer sauf à Liège où ce ne sont pas les textes des chefs d’œuvre qui importent mais les Ballets de toutes les couleurs qui constituent une autre discipline artistique qui ne devrait pas étouffer l’art dramatique. Les Femmes savantes est une comédie moins connue que Le malade imaginaire, Le Bourgeois gentilhomme et cet extraordinaire Tartuffe ou l’Imposteur précédemment joués par l’Atelier Théâtre Jean Vilar qui a présenté cette nouvelle production maison les 3 et 30 juillet dernier d’abord au Festival d’Anjou (à Angers) ensuite à celui des Jeux du Théâtre à Sarlat, cœur du Périgord noir. Et après les vacances scolaires de Pâques l’an prochain, la saison se clôturera à Louvain-la-Neuve du 17 au 29 avril par douze représentations de ces Femmes savantes dont deux matinées scolaires (instructives car Molière est génial et non ringard, les ados en témoignent à tous les coups !).
Ce qui importe (et telle est la philosophie d’Armand Delcampe) c’est de servir humblement Molière et non de s’en servir par nombrilisme, Ici le propos est une nouvelle fois de dénoncer les pédants moins savants que cupides. En élaguant ici ou là ce qui est devenu incompréhensible pour les non spécialistes de l’ancien français, le dramaturge Delcampe permet de maintenir un rythme enjoué à un spectacle où d’abord surpris par les costumes du couturier Gérald Watelet – présent à Spa – je dus convenir que la facilité des anachronismes passait la rampe car elle participait à rendre chatoyante cette comédie lors de la représentation de laquelle on ne s’ennuie pas un seul instant. Quel rythme et que dire des comédiens ? Ils ont à ce point voulu faire équipe ( trois jeunes filles et un jeune homme du Centre des Arts scéniques entourés de huit professionnels chevronnés parmi lesquels la co-directrice Cécile Van Snick) qu’ils se retrouvent dans tous les programmes par ordre alphabétique sans précision du rôle assumé. Ce qui signifie : c’est Molière et non nous que nous tenons à mettre en valeur. Etre à ce point au service du théâtre et non chercher à en profiter voilà qui mérite quelques applaudissements Un public souriant car heureux ne les ménagea pas et justice ainsi fut faite.
Jean-Marie ROBERTI
J’étais présente le 5 pour « Moi je crois pas », c’était une pièce fabuleuse!
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