De beaux livres à (s’)offrir.

     Au 18ème siècle, l’éditeur Everard Kints publie en cinq volumes Les Délices du Païs de Liége sous-titrés Description géographique, topographiques et chorographiques des monumens sacrés et profanes de cet evêché-principauté et de ses limites. 

Publication subventionnée, dès 1736 – le tome premier est daté MDCCXXXVIII – par le Conseil de la Cité qui s’en fait livrer gratuitement quantité reliés proprement en veau, lesquels seront distribués à MM. les bourguemaîtres et conseillers régents. Le Prince-Évêque Georges-Louis de Berghes, en 1739, leur rappellent, vainement, qu’il n’est point en leur pouvoir de s’attribuer tous les ans 5.000 florins pour distribuer entre eux des livres.

     Attribués au Français Pierre-Lambert de Saumery, la plupart des textes des Délices du Païs de Liége ont été rédigés, de l’avis du chevalier Xavier de Theux, par les Liégeois Guillaume de Crassier et Mathias de Louvrex. Les Délices sont illustrés  de gravures tirées des dessins tracés à la plume noire, rehaussés de lavis gris, de l’artiste spadois, Remacle Leloup.

     L’ancienne conservateur à la Bibliothèque générale de l’Université de Liège, madame Madeleine Lavoye, dans son introduction à une exposition Saumery et son temps présentée à Liège en 1953, écrit : Pour ma part, je serais fort tentée de croire que la signature « Remacle Leloup fecit » est celle du dessinateur. Quant au graveur, il devrait être cherché parmi les nombreux techniciens du burin qui ont travaillé à Augsbourg au XVIIIe siècle, tel J. A. Corvinus, et ont collaboré à l’illustration de nombreux recueils dans le genre des Délices, sans toujours y apposer leur signature.

 Corvinus est mort trop tôt, en 1738, pour qu’il soit possible de lui attribuer la gravure des planches des 5 volumes. Notons qu’elles ont été exécutées suivant un procédé stéréotypé, qui se retrouve dans la façon de traiter le ciel nuageux, la maçonnerie des constructions et la végétation des paysages.

C’est là aussi que doit se trouver l’origine de la tradition qui veut que la fumée sortant des cheminées marque les châteaux où Saumery fut bien reçu.
Les dessins de Leloup sont vierges de tous ces détails; fumée et ciel ont été ajoutés par le graveur pour « meubler » la planche.

      La virginité des dessins originaux de Leloup peut être admirée jusqu’au 2 janvier 2011, en la salle Saint-Georges du Musée de l’Art Wallon, 86 en Feronstrée (tél. +32 (0)4 221 92 31). Intitulée Florilège de Bibliophilie liégeoise, cette exposition, outre les œuvres de Remacle Leloup tirées des collections de la bibliothèque Ulysse Capitaine, met également en valeur des trésors de la bibliophilie liégeoise : manuscrits, reliures précieuses, éditions originales…

 

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     Parallèlement à cette exposition, les Éditions du Perron ( www.perron.beinfo@perron.be ) publient Le Jardin des Délices de Remacle Leloup, un splendide ouvrage annoté par Christine Maréchal. Ces dessins offrent un intérêt historique et esthétique incontestable pour le patrimoine, d’autant plus que certains, non repris dans les gravures, sont jusqu’ici restés inédits. Cet inventaire détaillé et entièrement illustré analyse et commente les dessins : châteaux et grandes demeures privées, villes, villages, monastères, jardins. Véritable recensement des propriétés, il révèle aussi une étonnante prise de conscience de l’environnement. Catalogué hors-collection, ce livre (272 pages – 35€) le Jardin des Délices de Remacle Leloup est une petite merveille.

 

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     Autre édition dans la catégorie des livres qui font plaisir aux Liégeoises et Liégeois Liège belle et rebelle. Ce livre (156 pages – 23€) paraît, cela va de soi, aux Éditions du Perron habituées à publier des œuvres du dream team (© Michel Firket, Premier Échevin) Vincent Botta, photographe, et François-Xavier Nève de Mévergnies, écrivain. Après Jardins et coins secrets de Liège, Liège au fil de Meuse, Les Coteaux de la Citadelle de Liège, Joyeuse et frondeuse Outremeuse, un livre tourné vers l’avenir.

     Les photos de Vincent Botta surprennent. Plus d’une révèle des coins en pleine mutation, mutation destinée à rendre Liège la rebelle plus belle encore. Quelque soit l’angle, l’avantage des photos est de rester objectif.

    Le binamé texte accompagnant les photos révèle un amour fou de Liège. Fou au point d’en être aveugle. Au prétexte que la Principauté de Liège dépend du Saint Empire romain germanique, il est écrit : grande est alors (en 1905), comme depuis mille ans, la germanophilie des Liègeois. Le texte en devient quasi délirant à propos de Charlemagne. Il tourne à la Charlemagniaquerie. Un Charlemagne qui, soit dit en passant, relèverait – à notre époque – du Tribunal pénal international de la Haye pour le massacre des Saxons de Widukind, au nom de la loi du fer de Dieu qui donne le choix entre le baptême ou la mort.

     Exemple de Charlemagniaquerie: la gare des Guillemins si on l’appelait gare de Liège-Charlemagne et que dans la foulée on nomme celle d’Aix-la-Chapelle Aachen-Carolus Magnus et celle de Maastricht Maastricht-Karel de Grote. Autre exemple : la statue équestre de l’Empereur réalisée au 19ème par Louis Jehotte, initialement prévue pour orner la Place Saint-Lambert, érigée en désespoir de cause sur le nouveau boulevard d’Avroy, le texte la voit, après sa restauration, sur la future esplanade Charlemagne (nom suggéré).   

     Le texte dispose d’une boule de cristal qui lui permet d’imaginer Liège, une Brasilia des VIII° …et XXI° siècles ? ou de voir (p.42) l’ex-conseiller provincial cdH, Marcel Stiennon, être député provincial et eurorégional. Les élections provinciales sont proches ; le dimanche 14 octobre 2012.

      En publiant Le Jardin des Délices de Remacle Leloup et Liège belle et rebelle, les Éditions du Perron restent fidèles à leur politique de publication de «beaux livres» accessibles au grand public autant par leur prix que par leur contenu. Pour mémoire, rappelons un autre beau livre paru en 2010 Visé, terre de gildes rédigé par un collectif de neuf auteur(e)s sous la coordination de notre confrère Daniel Conraads (cfr Liège 28 du 01/08/2010).