Ce lundi 29 octobre, la presse liégeoise consacre l’essentiel de ses articles à l’inauguration du quatrième Pont des Arches par sa Majesté Léopold Ier. Dernière née, en 1856, de la presse locale, La Meuse rivalise avec ses ainés, Le Journal de Liége dirigé, depuis 1764, de main de maître par les Desoër, libéraux dans l’âme et La Gazette de Liége, l’enfant chéri du fougueux Mgr Van Bommel confié, en 1840, à Joseph Demarteau, ancien secrétaire particulier de l’actuel Chef de Cabinet, le libéral Charles Rogier.
Accueilli par le bourgmestre de Liége, Joseph Neuville, sa Majesté garde le souvenir de sa Joyeuse Entrée le 2 août 1831, gâchée par l’attaque de l’armée hollandaise contre la Belgique qui a proclamée son indépendance, le 18 novembre 1830. Enfin, grâce au Hutois Joseph Lebeau qui a fait appel à Londres et Paris, le maréchal Étienne Gérard met en déroute l’agresseur.
En présence du Ministre des Travaux publics, Jules Vanderstichelen, le bourgmestre présente à sa Majesté l’ingénieur Jacques Houbotte, directeur des Ponts et chaussées de la Province de Liège qui a conçu le nouveau Pont des Arches et l’entrepreneur Mention qui a réalisé ce pont à cinq arches en quelques dix-neuf mois très exactement. Certes, les esprits chagrins prétendent que selon une tradition bien liégeoise, l’inauguration a lieu avant que tous les travaux ne soient complètement achevés.
En effet, l’ornementation en est toujours au stade des débats. Les uns souhaitent en y ajoutant des symboles patriotiques, la restauration des emblèmes religieux décorant l’ancien pont. Ils souhaitent notamment que soit réinstallé le crucifix, grandeur naturelle, en bronze doré, d’après un modèle fourni par notre habile sculpteur Jean Delcour. Les autres exigent des figures allégoriques. Cette dernière thèse bénéficie de l’appui des autorités politiques anticléricales actuellement au pouvoir.
Une plaque fixé au mur du quai de la Ribuée – Année 1860 : Léopold Ier, roi des Belges Vanderstichelen, ministre des travaux publics J.H.J. Neuville, bourgmestre de la ville de Liège J.Houbotte, ingénieur en chef des ponts et chaussées H.Mention, constructeur – est là pour la mémoire des générations futures. Manque un nom, celui de Ghislain-Joseph Partoes, ministre des Travaux public du 26 avril 1858 au 11 octobre de cette même année, date sa mort. Visionnaire, pressentant le développement de la circulation, il a fait passer de 11 à 13 m. la largeur du pont avant d’accepter l’adjudication la portant à 1.114.305 francs 95 centimes. Il a pris cette décision bien que, depuis 1837, le Pont des Arches a cessé d’être l’unique pont en pierre traversant la Meuse. Monopole conservé durant plus de huit siècles, depuis que le prince-évêque Réginard ait fait construire, sur sa cassette personnelle, le premier pont en grès gris sur le fleuve. L’élégance des sept arches – bien massives, fort larges et bien hautes – a séduit plus d’un artiste. Pont qui a été emporté par la forte crue du 22 février 1409 après que la débâcle de l’hiver 1408 l’ait déjà sérieusement abîmé. 1408, annus horribilis pour les Liégeois défaits par les Bourguignons à la bataille d’Othée.
Le deuxième pont comportant également sept arches a été mis en chantier le 14 août 1424 et inauguré solennellement le 10 juillet 1446 lors de la traditionnelle procession aux Écoliers dont le but est d’attirer la bénédiction du Ciel sur la nomination des nouveaux bourgmestres.
Le sac de Liège fin octobre 1468 par Charles le Téméraire ne suffit pas à ce Bourguignon qui ordonne aux milices maastrichtoises de casser deux arches. Un rien paresseux, après avoir démoli l’arche centrale, les Maestrichtois sont rentrés chez eux. Ce pont a été rendu inutilisable par la grande crue de janvier 1643.
Quatre ans plus tard, les Liégeois décident de reconstruire un nouveau pont. Les travaux ont été lents puisque le pont n’a été inauguré que le 27 novembre 1657. Large de 40 pieds, d’une longueur de 130 m. à quelques centimètres près, ce pont de six arches, réalisé en pierre de la carrière d’Embourg, est considéré par tout qui l’a vu comme le plus beau, le plus grand, le plus superbe qu’il ait sur la rivière la Meuse. A la Révolution, en 1794, le pont des Arches a été le terrain d’une lutte entre les Autrichiens et les Français alliés aux patriotes liégeois. Le pont, sérieuse endommagé, obtient, le 27 juillet 1796, d’être appelé Pont de la Victoire, nom qu’il conserve jusqu’en 1814. Sous le maïorat du libéral Ferdinand Piercot, il est décidé de le reconstruire. Auparavant, en 1846, Mgr Van Bommel y célèbre les six cents ans de l’institution de la Fête-Dieu par Julienne de Cornillon.