« Une nuit funeste » pour la langue française.

En 1974, au Québec, le Premier Ministre libéral, Robert Bourassa proclame le français langue officielle. C’est la Loi 22. Trois ans plus tard, le gouvernement de René Levesque, via la Loi 101, adopte la Charte de la langue française. Élisabeth II – SA MAJESTÉ – représentée par son lieutenant-gouverneur, Hugues Lapointe, la décrète.

Le préambule de la Charte stipule notamment : Langue distinctive d’un peuple majoritairement francophone, la langue française permet au peuple québécois d’exprimer son identité.

L’Assemblée nationale reconnaît la volonté des Québécois d’assurer la qualité et le rayonnement de la langue française. Elle est donc résolue à faire du français la langue de l’État et de la Loi aussi bien que la langue normale et habituelle du travail, de l’enseignement, des communications, du commerce et des affaires.

L’Assemblée nationale entend poursuivre cet objectif dans un esprit de justice et d’ouverture, dans le respect des institutions de la communauté québécoise d’expression anglaise et celui des minorités ethniques, dont elle reconnaît l’apport précieux au développement du Québec.

L’Assemblée nationale reconnaît aux Amérindiens et aux Inuit du Québec, descendants des premiers habitants du pays, le droit qu’ils ont de maintenir et de développer leur langue et culture d’origine.

Dès l’adoption de cette Charte, l’enseignement maternel,  primaire et secondaire se fait en français tant pour les Québécois que les allophones. Les Canadiens anglophones, en obtenant une déclaration d’admissibilité, ont accès aux écoles anglophones subventionnées.  La déclaration d’admissibilité à l’enseignement en anglais est permanente, c’est-à-dire qu’elle n’est pas limitée dans le temps (…). Enfin, lorsqu’un enfant est déclaré admissible à l’enseignement en anglais, ses frères et sœurs peuvent l’être aussi.

La création d’écoles anglophones non subventionnées est admise sans restriction.  Mais au fil des années, celles-ci ont tendance à se transformer en école-passerelle. En effet, nombre d’immigrants après qu’un de leurs enfants y ait effectué un bref séjour, en début de scolarité revendiquent une déclaration d’admissibilité dans une école anglophone subventionné au prétexte que leur enfant a réalisé la majeure partie de son enseignement en anglais ! C’est une manière de contourner la lettre et l’esprit de la Charte. Le 12 juin 2002, sur proposition du gouvernement Landry, l’Assemblée nationale adopte, à l’unanimité, la Loi 104 visant à éviter pareil débordement.

La Loi 104 n’est pas au goût des anglophones. S’en suit une saga juridique durant des années. Le 22 octobre 2009, garante de la Charte canadienne des droits et libertés, la Cour suprême du Canada rend son arrêt, à Ottawa. Elle reconnaît que la cause du français est un choix politique valable (…) Les objectifs visés par les mesures adoptées par le législateur québécois sont suffisamment importants et légitimes pour justifier l’atteinte aux droits garantis, mais les moyens choisis ne sont pas proportionnels aux objectifs recherchés.

Cette disproportion va à l’encontre de l’esprit qui veut que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit. La Cour suprême invalide la Loi 104 et donne un délai d’un an pour adopter une autre loi.

Le Conseil supérieur de la langue française suggère, en mars 2010, que toutes les écoles du Québec, même privées non subventionnées, soient soumises aux exigences de la Charte de la langue française. Le gouvernement libéral de Jean Charest prend tout son temps. Et quand il est grand temps c’est-à-dire en début de cette semaine, appliquant une procédure limitant les débats parlementaires – procédure du bâillon -, il fait adopter la Loi 115. Celle-ci rend légal l’accès aux écoles dites passerelles dont les minervaux atteignent les 15.000 huards (10.500 €). Fréquentées durant trois ans, elles vont donner droit à l’accès aux écoles anglaises subventionnées. La Loi 115 fragilise la langue française. Adoptée le 19 octobre, à 7h23, au terme d’une nuit funeste selon l’expression de Pauline Marois, cheffe de file du Parti Québécois, par 61 députés contre 54.

Un de nos confrères, éditorialiste au Soleil, Pierre-Paul Noreau sous le titre Amère déception écrit ; Lorsqu’il est question de la défense et de la promotion de la langue française, les Québécois n’ont pas le choix de compter sur leur gouvernement pour agir afin de protéger une culture qui sera toujours vulnérable en raison du statut de minorité du peuple qui la partage. Or, une fois de plus, le gouvernement de Jean Charest a manqué de courage en relevant les défis posés par ce difficile dossier.

En cette fin de semaine, John James Charest participe à Montreux au XIIIème Sommet de la Francophonie dont le thème est Défis et visions d’avenir.

 

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Illustration de Michel Giguère  –  Site du Conseil supérieur de la langue française