« Les Pianistes du fleuve », premier fascicule de la trilogie « Des ailes pour l’éternité » de Julien Moës.

 

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Joseph Daussoigne-Méhul, premier directeur du Conservatoire royal de Liège.

Copyright Conservatoire royal de Liège – publié avec l’autorisation de M. Philippe Gilson, bibliothécaire CRLg.

        Le 10 avril 1790, à la tribune de l’Assemblée nationale, l’abbé Grégoire – une figure marquante de la Révolution française – proclame « le passé doit être le conseil du présent et de l’avenir ». En 2009, la préface de la trilogie « Des ailes pour l’éternité » de Julien Moës est dans le droit fil de l’abbé Grégoire ; « à l’heure ou notre Province cherche à aller toujours plus loin, toujours plus haut, cet ouvrage peut aussi nous inspirer et nous projeter dans le futur ». La préface est signée André Gilles, Président du Collège provincial et Paul-Emile Mottard, Député provincial.

        Le premier fascicule porte le titre « Les Pianistes du fleuve » (1). L’histoire débute en 1777. Francois-Charles de Velbruck est Prince-Evêque. A sept kilomètres de Maastricht qui fait partie de la Principauté de Liège, se situe Gronsveld dont l’église est décorée d’un tableau du Liégeois Englebert Fisen et les orgues dues à un autre Liégeois, Philippe Le Picard. Dans ce petit village, en bord de Meuse, vit la famille de Johannes Van den Boorn. Celui-ci « n’hésitait pas, dans une société très conservatrice, à affronter la noblesse pour défendre les plus faibles ». Johannes devient bourgmestre en 1785 et le demeure jusqu’à l’arrivée des troupes françaises.

        Au départ des Français et suite à l’abdication en avril 1814 de Napoléon, son fils Christian Van den Boorn devient, à son tour, bourgmestre de Gronsveld.  Il conserve la charge jusqu’à son décès en 1841. En 1822, le bourgmestre que désormais on nomme bailli, épouse Florence de Brienen, une aristocrate dont la famille remonte au XIème siècle. Ce mariage a eu lieu bien que, malgré la Révolution française, « il s’avérait impensable qu’un membre de la noblesse épouse un roturier ». Le papa de Florence partage cet avis mais il a l’intelligence de ne pas se brouiller avec sa fille.

        « La révolution des idées, celle de la fin du siècle des Lumières forma les mœurs d’une famille dont les piliers, Christian et Florence, intelligents et cultivés, se trouvaient issus de deux classes sociales différentes mais qui apportèrent aux enfants tout un patrimoine intellectuel, culturel et moral. Ce couple soufflait à l’époque un esprit humaniste, égalitaire, souhaitant l’émergence d’une nouvelle société où leurs enfants puisèrent les sources mêmes de leurs espérances dans la vie et dans l’homme ».

        En 1844, deux des quatre fils Van den Boorn, Jean et Edouard, s’en viennent à Liège, en bord de Meuse, afin de suivre les cours au Conservatoire dirigé pat Joseph Daussoigne-Méhul. Celui-ci est le neveu et fils adoptif  d’Etienne-Nicolas Méhul, compositeur du « Chant du départ », hymne du Premier Empire. Joseph Daussoigne-Méhul est un remarquable pédagogue qui entouré d’une équipe de qualité a développé le Conservatoire fréquenté de 1830 à 1835 par César Franck. En 1844, le Conservatoire en est à sa troisième implantation dans l’actuelle rue de la Cathédrale qu’il quitte en 1848, pour l’actuelle place Cockerill. Les frères Van den Boorn obtiennent des premiers prix en piano au mitan du XIXème siècle.

        Quoique leur art les conduit souvent à l’étranger, les frères Van den Boorn sont parfaitement intégrés dans la vie liégeoise. Lorsqu’en 1858, la Société libre l’Emulation – fidèle à l’esprit de son fondateur  Velbruck – lance son concours biennal sociétal, Edouard décide d’y participer. Couvert par l’anonymat de « in labore, spes, honor et gaudia », il a choisi de plancher sur « l’influence réciproque de l’industrie sur les beaux-arts et des beaux-arts sur l’industrie ». On y lit : « si nous arrêtons un court instant notre regard sur cette vieille Cité de Liège, qui oserait soutenir que l’ardeur industrielle y a étouffé les aspirations artistiques ? Les beaux-arts comme l’industrie n’y ont-ils pas creusé des sillons profonds ; n’y ont-ils pas, là aussi, laissé des traces lumineuses ? ». L’opus d’Edouard l’emporte. Marié depuis peu avec la princesse de Caraman-Chimay, pianiste talentueuse, le comte de Mercy-Argenteau – dont la mère est une de Brienen – lui remet la médaille d’or.

        Les concerts des frères Van den Boorn se multiplient, Aix-la-Chapelle, Wiesbaden, Genève, Schönbrunn, etc. Le nouveau quotidien liégeois « La Meuse » charge Edouard de tenir sa rubrique musicale. Tandis que Jean n’épouse que la musique, Edouard rencontre l’amour en Marie Adam. Deux fils, Emile et Charles sont les fruits de cet amour. Ceci est une autre histoire que Julien Moës  prépare actuellement pour le deuxième fascicule à paraître sous le titre « L’orfèvre d’un art nouveau ».

        « Des ailes pour l’éternité » ne se limite pas à raconter une belle épopée hollando-liégeoise. Julien Moës n’a de cesse de la resituer dans l’évolution du XIXème siècle. « La crise sociale éclate partout mais, à la différence cette fois du passé, des organisations ouvrières bien structurées syndicalement et politiquement existent (…). C’est dans un climat social dramatique que d’une part sont inaugurés les nouveaux bâtiments du Conservatoire royal de Liège (…) mais que se  déroule un autre événement musical à la gloire d’une figure devenue de son vivant un mythe ». Ce mythe s’appelle Franz Liszt. Ce ne n’est pas sa première visite à Liège. En 1842 notamment, il y est venu lors des festivités marquant l’inauguration de la statue d’André-Modeste Grétry.

(1) « Les Pianistes du fleuve » – 108 pages –  12  €.